Copie d'écran de Jérémy Lamri et Gaspard Tertrais, respectivement co-fondateur et directeur technique de Tomorrow Theory, lors de leur webinaire sur les IA génératives (mars 2023)

Jérémy Lamri et Gaspard Tertrais, respectivement co-fondateur et directeur technique de Tomorrow Theory, lors de leur webinaire sur les IA génératives (mars 2023)

Se préparer aux IA génératives (Tomorrow Theory)

Pionnier de l'utilisation des intelligences artificielles génératives d'OpenAI, Tomorrow Theory publiera le 15 juin prochain un livre sur le sujet, rédigé à 85 % par ChatGPT, le plus célèbre des robots conversationnels. Jérémy Lamri et Gaspard Tertrais, respectivement fondateur et directeur technique de Tomorrow Theory, ont fait le point dans un webinaire.

Par - Le 23 mai 2023.

Jérémy Lamri nous en avait informé en vidéo lors de la dernière UHFP et c'est confirmé : « Travailler à l'ère des IA génératives », livre rédigé avec le concours de ChatGPT sortira bien le 15 juin prochain, aux éditions EMS. Comme toujours chez Tomorrow Theory, c'est une logique de recherche-action qui a guidé l'entreprise. Pour comprendre le fonctionnement de la star des intelligences artificielles génératives de texte créée par OpenAI, ChatGPT, quoi de mieux que de le mettre à l'épreuve ?

Tous créateurs

D'abord, un rappel du concept d'IA générative, qui désigne les IA qui permettent de générer du contenu. Lequel peut prendre différentes formes, du texte à l'image en passant par de la musique ou du code. Cette génération de contenu se fait sur la base d'une requête exprimée en langage naturel, dénommée « prompt. » Aux déçus de ChatGPT, Jérémy Lamri conseille de travailler leur requête : « comme pour une recherche Google, il faut savoir préciser ce que l'on veut, quand les prompts sont bons, les réponses sont bonnes. » Trois règles de base sont pour lui à respecter. Il faut premièrement définir le « contexte » dans lequel s'exprime le besoin, deuxièmement exprimer ce « besoin » et, troisièmement, spécifier les « contraintes. » Parce qu'une IA comporte des biais (sources exploitées, cadre moral, …), il faut aussi exercer sa compétence « esprit critique » quant aux réponses apportées. Pour la rédaction du livre sur le travail à l'ère des IA génératives, les « auteurs » ont ainsi vérifié les sources et interrogé le moteur de recherche académique Google Scholar pour s'assurer de leur réalité.

« IA socratique »

Mais au-delà des réponses, ChatGPT est aussi intéressant par sa dimension « réflexive », souligne l'équipe de Tomorrow Theory, qui voit ici la possibilité d'une « IA socratique » : comme dans une véritable conversation, on peut amener l'outil à poser des questions, ce qui présente un intérêt en formation pour amener l'utilisateur à construire son savoir. Si certains établissements, à l'instar de Sciences Po Paris, ont décidé d'interdire l'usage de ChatGPT, Jérémy Lamri y voit une « grossière erreur », qui ne servira au mieux qu'à retarder l'inéluctable. « Les meilleures écoles vont repenser leurs modalités pédagogiques », avertit-il.

IA Vs conscience

Dans le champ de la formation, on peut aussi penser à Philippe Meirieu qui avait remis en lumière les travaux du philosophe Jacques Rancière sur l'expérience de Joseph Jacotot, résumée à ce principe : « nul ne peut enseigner que ce qu'il ignore. » L'expérience du pédagogue du XIXe avait alors consisté à montrer qu'il n'était point besoin des méthodes classiques pour enseigner le français à des néerlandophones, langue qu'il ne maîtrisait pas. Tout au plus suffisait-il de fournir aux élèves de quoi établir des correspondances entre une langue A et une langue B, à savoir une édition bilingue d'une œuvre. Comment ne pas penser au principe de la chambre chinoise évoqué par le directeur technique de Tomorrow Theory, Gaspard Tertrais, pour expliquer que les IA n'ont pas besoin de compréhension pour tomber juste : une personne se trouve dans une chambre dotée d'un trou entrant et d'un trou sortant. Par le trou entrant, lui parviennent des questions rédigées en chinois, langue qu'il ne maitrise pas. À l'aide tables de correspondance, il parvient cependant à décrypter les idéogrammes et peut ainsi glisser ses réponses par le trou sortant. À l'extérieur, on est tenté d'en conclure que la personne parle chinois alors qu'elle est juste capable de manipuler des concepts et des symboles. C.Q.F.D. : sans rien comprendre à un sujet, les IA peuvent apporter des réponses d'une grande cohérence à partir de simples tables de correspondance[ 1 ]Pour les IA génératives, Jérémy Lamri parle d' « ontologies » ou de « graphes relationnels », appuyés sur d' « énormes bases de données de concepts reliés entre eux. ».

Des résultats professionnels

À l'issue de l'expérience de rédaction du livre par ChatGPT, Jérémy Lamri juge le résultat « un peu vexant » : « j'en ai déjà publié six ou sept et celui-ci est l'un des meilleurs en termes de contenu… » Manière de rappeler que les IA génératives ont un réel potentiel dans le monde du travail. Ainsi par exemple de Microsoft Designer, en passe de ringardiser Canva, jusqu'ici n° 1 des logiciels de conception graphique simplifiée : « grâce à l'IA, Ms Designer franchit une étape supplémentaire et permet à n'importe qui de créer des designs qui ressemblent à des productions professionnelles », assure-t-il. D'où cette conviction : « les IA vont accélérer le débat sur le revenu universel, on ne peut pas décorréler l'arrivée de ces technologies de grands sujets comme celui-ci… » Sans oublier les questions éthiques, qui commencent à prendre de l'ampleur. Et c'est un « passionné de techno », Gaspard Tertrais, qui le confesse : « c'est la première fois que j'ai vraiment peur d'une technologie, je rêve d'une IA publique et collective gérée par les citoyens », plutôt que par les géants de la tech.

Encore faut-il que la société se saisisse du sujet. « DYOR ! », aurait pu conclure Jérémy Lamri. DYOR, c'est-à-dire Do your own research (faites votre propre recherche). Manière de dire qu'il y a peu de « raccourcis » vers la juste compréhension des IA génératives, sinon celui de se documenter et de tester : https://platform.openai.com/playground

Notes   [ + ]

1. Pour les IA génératives, Jérémy Lamri parle d' « ontologies » ou de « graphes relationnels », appuyés sur d' « énormes bases de données de concepts reliés entre eux. »