Lors de la master class "Sous-traitance et CPF : en pratique, ce qui change le 1er avril 2024 ?", le jeudi 14 mars.

Lors de la master class « Sous-traitance et CPF : en pratique, ce qui change le 1er avril 2024 ? », le jeudi 14 mars.

La sous-traitance en quête d'une définition

A quelques semaines de l'entrée en vigueur du décret encadrant la sous-traitance sur le marché du CPF, de nombreux prestataires de formation se sentent perdus. Pièce maîtresse de leur modèle économique, cette pratique n'avait jamais été questionnée par la réglementation. A commencer par la définition même de sous-traitance. Etat des lieux à l'occasion d'une Master class organisée par Centre Inffo le 14 mars.

Par - Le 19 mars 2024.

La réforme de 2018 entre dans une nouvelle phase. Sous la pression conjointe de nouvelles contraintes budgétaires et d'enjeux de qualité, la régulation s'intensifie. L'accès aux fonds publics se tend. Emblème de la libéralisation du marché, la plateforme CPF (compte personnel de formation) mise à mal par la fraude donne le ton. Les mesures s'enchaînent et mettent sous pression les prestataires de formation. La dernière en date y encadre, pour la première fois, le recours à la sous-traitance. « Nous sommes dans logique de transparence, d'exigence et de professionnalisation des pratiques », déclare Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle à la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) lors de la Master class organisée par Centre Inffo le 14 mars dernier. Au cœur des modèle économiques, la sous-traitance s'est imposée dans le secteur de la formation sans que ses modalités, son périmètre, ses règles ou ses usages ne soient réglementés. Le décret publié en décembre dernier met fin à ce flou juridique. Le texte qui entrera en vigueur à partir du 1er avril en limite le recours à 80% du chiffre d'affaires réalisé sur la plateforme CPF, interdit la sous-traitance en cascade et responsabilise le donneur d'ordre. Ce dernier devra exiger de ses sous-traitants le respect des obligations en matière de qualité, de respect des CGU (conditions générales d'utilisation) ou d'habilitation à former à une certification professionnelle imposées par la CDC (Caisse des dépôts et consignations). Encore faut-il s'entendre sur la définition de la sous-traitance. Un prérequis à sa mise en œuvre et un premier écueil.

Le contrat de sous-traitance, pierre angulaire du nouveau cadre juridique

La pratique recouvre aujourd'hui des réalités différentes. De la prestation de service d'un expert, à l'intervention ponctuelle d'un formateur ou l'accompagnement d'un mentor en passant par l'externalisation de tout ou partie de la réalisation d'une formation, les frontières entre prestation de services et sous-traitance se brouillent.  En précisant le contenu du contrat de sous-traitance [ 1 ]« Les missions exercées au titre de l'intervention confiée, le contenu et la sanction de la formation, les moyens mobilisés ainsi que les conditions de réalisation et de suivi de l'action, sa durée, la période de réalisation ainsi que le montant de la prestation ». , le décret invite le donneur d'ordre à s'interroger sur ce qu'il confie à un prestataire extérieur. Lors de la Master class, les juristes de Centre Inffo insistent sur l'importance de revenir à la définition d'une action de formation comme un process pédagogique. « Il est essentiel de rédiger le plus précisément possible les missions concernées », confirme Valérie Michelet, juriste senior au sein de Centre Inffo. Malgré l'éclairage juridique, les prestataires de formation restent dubitatifs.  Un formateur indépendant extérieur, régulièrement appelé à animer une session de formation à partir des supports, des grilles d'évaluation ou de suivi conçus par le donneur d'ordre qui se charge par ailleurs de son organisation et des démarches administratives afférentes, est-il considéré comme un sous-traitant ? D'autres configurations liées au mentoring ou au tutorat sur des parcours d'e-learning et hybrides leur posent également question. Des confusions peuvent naître avec l'habilitation à former à une certification professionnelle encadrée par France compétences. On le comprend, le décret sur la sous-traitance révèle un besoin de pédagogie sur le système de régulation en cours de structuration depuis la réforme de 2018. Il nécessitera sans doute un effort d'explications et une doctrine sur la base de cas concrets. Très attendue, la foire aux questions (FAQ) du ministère du Travail devrait être publiée prochainement.

Un premier pas vers une sous-traitance maîtrisée ?

Répondant aux enjeux du marché du CPF, le décret semble bien ouvrir un débat plus large sur la sous-traitance. Les prestataires de formation le pressentent. Dans le viseur du régulateur, cette pratique doit gagner en transparence. La CDC n'exclut pas certaines évolutions dans ce sens. « Nous envisageons d'intégrer dans la rédaction de l'offre de formation des indications sur la part sous-traitée et sur les sous-traitants », confirme Géraldine Boureau, responsable du service régulation et financement de la Caisse des dépôts. Cette exigence de professionnalisation des pratiques pourrait dépasser le cadre du CPF. Ainsi, le contrat de sous-traitance tel qu'il est précisé dans le décret pourrait servir de cadre sur d'autres marchés, comme celui de l'apprentissage. La politique de contrôle se déploiera progressivement. Les organismes de formation inscrits sur la plateforme seront appelés à fournir des justificatifs à la demande de la CDC. A partir de 2025, ils devront déclarer sur Edof leur activité sous-traitance. Pour rappel, cette dernière ne pourra pas excéder 80% de leur chiffre d'affaires réalisé sur la plateforme. L'assiette de ce calcul ne repose pas sur le montant facturé au sous-traitant mais sur le montant facturé à la CDC. Quant au montant des prestations réalisées en sous-traitance, il est calculé en fonction du nombre d'heures réalisées par un prestataire extérieur sur la base d'un taux horaire. Une approche pas toujours adaptée avec celle de la facturation au forfait plus adaptée aux formations digitales.

 

En complément, lire le dossier documentaire de Centre Inffo.

Notes   [ + ]

1. « Les missions exercées au titre de l'intervention confiée, le contenu et la sanction de la formation, les moyens mobilisés ainsi que les conditions de réalisation et de suivi de l'action, sa durée, la période de réalisation ainsi que le montant de la prestation ».