Le 27 mars, à l’auditorium de l’école Phelma de Grenoble-INP, table ronde de l’école d’hiver de la batterie Verkor. De gauche à droite : Alain Denoyelle, Assistant professeur à Grenoble INP – UGA ; Sylvia Bodoardo, professeure au Politecnico di Torino (Italie) ; Vicky Côté, directrice de la formation continue à School Board (Québec) ; Gilles Moreau, directeur Innovation ouverte chez Verkor ; Émilie Rondet, en charge du projet École de la batterie chez Verkor.
La montée en compétences, clé de voûte de l'industrie des batteries
Face à l'Asie et aux États-Unis, l'Europe et le Canada doivent former massivement leur main d'œuvre pour espérer développer une filière batterie souveraine. Ce défi compétences a été discuté lors d'une table ronde internationale organisée récemment à Grenoble par Verkor dans le cadre de l'école d'hiver de la batterie.
Par Nicolas Deguerry - Le 07 avril 2025.
C'est moins de 2 ans après l'inauguration du Verkor Innovation Centre (notre article), à Grenoble, que s'est tenue dans cette même capitale des Alpes l'école d'hiver de la batterie. Le 27 mars, une table ronde internationale a permis de balayer les enjeux. Alors que le constructeur chinois BYD qui vient de dépasser Tesla multiplie les innovations, c'est toute l'industrie des batteries électriques qui connaît un essor fulgurant en Europe. Mais cette croissance rapide se heurte à un défi majeur : le manque de compétences. À l'orée de l'entrée en production de la gigafactory de Dunkerque, c'est Gilles Moreau, directeur Innovation ouverte chez Verkor, qui souligne le « besoin de tous types de profils, pas seulement d'électrochimistes. » On le comprend, réindustrialiser la France pose de sérieux problèmes de recrutement quand la désindustrialisation a tout simplement fait disparaître un large éventail de compétences : « il nous faut des techniciens de maintenance, des opérateurs de production, des spécialistes en automatisation. »
France, Italie, Canada : des approches complémentaires
Troisième pilier du Verkor Innovation Centre[ 1 ]Les deux premiers sont le centre de recherche & développement et la ligne de production pilote., l'école de la batterie s'efforce de coordonner les efforts de formation pour la France, avec l'appui du SGPI via les appels à manifestation d'intérêt Compétences et métier d'avenir de France 2030. Si le soutien est massif, les besoins de l'écosystème le sont tout autant : 800 000 personnes à former entre 2021 et 2025 à l'échelle européenne, 40 000 chaque année d'ici 2030 en France et 10 000 au Québec à l'horizon 2030. La diversité des besoins reflète la complexité de la filière. De l'ingénierie à la maintenance en passant par la qualité, chaque maillon de la chaîne requiert des compétences spécifiques. Et si les batteries ne sont pas une innovation si récente, le passage à l'échelle des gigafactories n'en constitue pas moins un « défi majeur » pour l'écosystème d'éducation/formation, souligne Alain Denoyelle, assistant professeur à Grenoble INP – UGA. De l'autre côté des Alpes, c'est Sylvia Bodoardo, professeure au Politecnico di Torino (Italie), qui souligne qu'une telle transition prend du temps et requiert un équilibre difficile à trouver entre budget innovation et budget formation.
Accompagner les reconversions
Pour répondre à la pénurie de compétences, l'ensemble des acteurs cherche à établir des passerelles avec d'autres industries. À Grenoble, ce sont par exemple les savoir-faire de l'ancienne industrie papetière qui intéressent, en Italie, l'accent est mis sur la reconversion des travailleurs de l'industrie automobile classique. Vicky Côté, directrice de la formation continue à School Board (Québec), mentionne aussi la nécessité d'attirer les talents internationaux pour développer la « vallée de l'énergie. » Ce n'est pas Verkor, où se côtoient une cinquantaine de nationalités, qui démentira, pas plus que l'Italie, où l'école polytechnique de Turin accueille 25% d'étudiants étrangers. Si l'Anglais ne pose pas de problème majeur en tant que lingua franca, c'est plutôt la difficulté à faire émerger un « langage technique commun » qui est relevée par Sylvia Bodoardo. Pour Alain Denoyelle, c'est aussi un défi interculturel qui se pose : « le monde est plus large que la culture occidentale », sourit-il.
Se préparer dans un contexte incertain
Alors que le monde est secoué de turbulences géopolitiques qui ne sont pas sans affecter les enjeux de transition énergétique, les participants de la table ronde refusent de se résigner. Dans cette période d'incertitude, des ralentissements s'observent, reconnaît Sylvia Bordoardo. Mais pourquoi ne pas en profiter pour créer les centres de formation qui font défaut et accélérer la reconversion des travailleurs, interroge-t-elle. Appelant à un sursaut patriotique du Vieux Continent, elle plaide aussi pour une forme d' « alliance européenne. » Pour Gilles Moreau, rien ne sert de « sur-réagir » et mieux vaut plaider en faveur d'une certaine stabilité des politiques publique, condition selon lui nécessaire au déploiement de l'innovation. Sa conviction demeure : « nous ne savons pas quand mais nous en sommes certains, les voitures électriques sont le futur. »
De quoi conclure avec un glorieux européen : "If it be now, 'tis not to come ; if it be not to come, it will be now ; if it be not now, yet it will come. The readiness is all.[ 2 ]« Si mon heure est venue, elle n'est pas à venir ; si elle n'est pas à venir, elle est venue ; si elle n'est pas venue, alors elle est à venir. Il convient d'être prêt, voilà tout. » (Shakespeare, Hamlet, acte V scène 2)."
- Verkor : https://verkor.com/
Notes
1. | ↑ | Les deux premiers sont le centre de recherche & développement et la ligne de production pilote. |
2. | ↑ | « Si mon heure est venue, elle n'est pas à venir ; si elle n'est pas à venir, elle est venue ; si elle n'est pas venue, alors elle est à venir. Il convient d'être prêt, voilà tout. » (Shakespeare, Hamlet, acte V scène 2) |