Contrôle d'un organisme de formation : rappels des conditions d'application des textes

Une décision récente de la Cour d'appel administrative de Bordeaux est l'occasion de rappeler aux organismes de formation que :

 toutes les actions peuvent être contrôlées, même celles concernant les contrats de professionnalisation ;

 les dépenses de l'organisme, pour pouvoir être traitées comme des dépenses de formation, doivent correspondre à des dépenses dont la nature, le rattachement et le bien-fondé doivent être établis au regard de l'activité de formation continu du prestataire.

Par - Le 14 mars 2016.

Suite à un contrôle administratif et financier conduit par la direction régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi d'Aquitaine, une société exerçant une activité de prestataire de formation a été condamnée au :

  • versement de sommes au Trésor public, correspondant à des dépenses dont la nature, le rattachement et le bien-fondé n'avaient pas été établis au regard de son activité de formation continue ;
  • remboursement de sommes à certains de ses cocontractants du fait de l'inexécution de prestations de formation continue.

Les juges du tribunal administratif de Bordeaux ont rejeté la demande de l'organisme de formation d'annuler la décision du préfet de région. Le mandataire liquidateur de ce prestataire de formation relève appel de ce jugement.

Le requérant avance, pour contester le bien-fondé des reversements, trois arguments :

  1. En premier lieu, en application de l'article L6325-13 du Code du travail, l'organisme prestataire de formation, dans le cadre de contrat de professionnalisation dispense des « enseignements généraux, professionnels et technologiques ». Or ce texte n'est pas visé par les dispositions du Code du travail relatif au contrôle de l'utilisation des fonds de la formation professionnelle. La cellule de contrôle ayant constaté que l'organisme de formation préparait effectivement des jeunes titulaires de contrats de professionnalisation en vue d'accéder à un diplôme, par exemple le Brevet de Technicien Supérieur (BTS) " Management des Unités Commerciales" ne pouvait pas lui opposer les dispositions de la VIème partie du Code du travail sur le contrôle de l'emploi des fonds de la formation professionnelle.
  2. Par ailleurs, les services régionaux de contrôle ont commis une erreur d'interprétation de l'article L6354-1 du Code du travail qui prévoit qu' « en cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait ». En effet, l'administration s'est fondée sur l'absence des stagiaires aux actions de formation et l'absence de preuve des sessions de rattrapage pour justifier le remboursement alors qu'elle constatait dans le même temps que les prestations avaient été intégralement réalisées, l'absence des stagiaires n'ayant pas conduit à l'annulation des cours.
  3. Enfin, la décision de l'administration n'est pas fondée dans la mesure où l'analyse de la comptabilité de l'organisme de formation et les explications fournies lors de l'entretien contradictoire, ainsi que dans le cadre du courrier recommandé A.R adressé par le gérant dudit organisme, lui permettait de caractériser le rattachement des dépenses exposées aux activités de l'organisme de formation ainsi que le bien-fondé desdites dépenses. Notamment, la répartition des charges de la société, à qui l'organisme de formation avait confié des prestations des tâches d'" assistance à la gestion, conseil dans le domaine financier, aide dans la gestion des ressources humaines, assistance informatique " avait été décidée en fonction de l'effectif des stagiaires inscrits dans chacun des instituts au cours de l'exercice considéré, ce qui suffisait à démontrer le lien de ces dépenses avec la formation professionnelle.

Le requérant n'est pas suivi par les juges de la CCA de Bordeaux.

Ils rappellent tout d'abord que les actions de formation conduites dans le cadre des contrats de professionnalisation entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue tel que prévu à l'article L6313-1 du Code du travail et qu'à ce titre, les dispositions de l'article L6354-1 du Code du travail sur l'obligation de remboursement en cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, leur sont applicables.

Sur cette question de l'inexécution de la prestation, ils précisent ensuite que les organismes de formation ne peuvent demander à leurs clients que le paiement des prestations effectivement réalisées à raison des " heures stagiaire " effectuées suivant les dispositions des conventions qu'ils appliquent. Une telle analyse n'est pas contraire à l'esprit de la loi. En effet, « si le législateur a eu pour intention (dans le cadre de la réglementation relative au contrôle de la formation professionnelle) d'autoriser les prestataires de formation à justifier leurs dépenses par le rattachement de ces dépenses à leur activité et non plus seulement aux résultats attendus d'une convention ou d'un contrat relatif à la formation professionnelle », les prestataires de formation restent tenus, dans le cadre de leur obligation de moyens de ne demander la liquidation que des seules prestations effectivement réalisées.

Enfin, c'est à bon droit selon eux que le préfet de la région Aquitaine a, sur le fondement des dispositions du Code du travail relatives au contrôle de la formation professionnelle rejeté certaines dépenses de la société requérante qu'il a estimé être non justifiées, ou non rattachables aux activités de formation de la société, ou exposées de manière non conforme aux règles du Code du travail en matière de formation et ordonné le versement au Trésor public, notamment d'une somme correspondant à des factures émises par la société tiers, la société RISE Ouest. Les éléments produits par la société requérante ne permettaient pas d'établir que les prestations facturées à cette société d'une part correspondaient aux prestations réalisées et d'autre part que celles-ci étaient en lien avec son activité de formation continue. En effet, la convention, signée pour l'exercice 2008-2009 sur une base forfaitaire, se bornait à prévoir que "dans le cadre de la mise à disposition de personnel administratif et de gestion, de la société RISE Ouest au bénéfice de la société RISE Bordeaux, (celle-ci) s'engage à reverser une quote-part d'un montant de 63 800 euros hors taxes ". Les factures émises dans le cadre de ces prestations étaient très générales et mentionnaient uniquement " assistance à la gestion, conseil dans le domaine financier, aide dans la gestion des ressources humaines et assistance informatique " ce qui ne permettaient de connaître ni le détail des prestations mises à sa charge, ni la clé de répartition de ces dépenses, ni d'établir la nature et la réalité des prestations assurées pour la société requérante.

Pour la CCA de Bordeaux, l'organisme de formation n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.

CAA de BORDEAUX - N° 13BX02476