Droit de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Violation d'une obligation générale de sécurité : possibilité pour le juge de substituer une "faute caractérisée" à une "faute délibérée"

Les juges du fond peuvent retenir que les manquements à l'obligation générale de sécurité qu'ils constatent constituent une faute caractérisée dès lors qu'ils ont eu pour résultat d'exposer le salarié à un risque d'une particulière gravité que l'employeur ne pouvait ignorer.

Par - Le 02 janvier 2023.

Tel est en effet l'enseignement de l'arrêt du 8 février 2022 (Cass crim, 8 février 2022, n°21-83.708, Publié au bulletin).

Cette décision est particulièrement importante : la Cour y substitue la qualification de "faute caractérisée" à celle de "faute délibérée" prévue par les textes sur le fondement desquels était poursuivi l'employeur permettant ainsi de faire reconnaître la responsabilité pénale de ce dernier (dans l'affaire jugée le 8 février 2022, condamnation pour homicide involontaire).

Comme nous le précisions dans notre chronique du 10 octobre 2022, la Cour de cassation considère que les obligations d'information et de formation à la sécurité posées aux article L4141-1 et suivants du Code du travail ne constituent que des "obligations générales de prudence et de sécurité". La violation de ces obligations ne peut donc donner lieu à condamnation au pénal pour mise en danger par le manquement délibéré à une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement sur le fondement des articles 220-20 et 223 du Code pénal.

Si le défaut de caractère particulier de l'obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement empêche que puisse être reprochée une "faute délibérée", les juges de la Haute cour reconnaissent que rien n'exclut que soit retenue contre un employeur, une "faute caractérisée". A vocation "supplétive", la faute caractérisée intervient donc lorsque les conditions de la faute délibérée ne sont pas remplies (Cass crim. 15 octobre 2002, n° 01-83.351 - Cass crim 12 décembre 2000, n°98-83.969).

Trois conditions doivent être réunies pour que la faute caractérisée, non intentionnelle, soit retenue :

  1. existence soit d'une accumulation de fautes d'imprudence, soit d'une seule faute d'imprudence d'une particulière intensité ou gravité ;
  2. exposition d'autrui à un risque d'une particulière gravité que l'auteur de la faute ne pouvait pas ignorer ;
  3. absence de mise en œuvre des mesures appropriées ou adaptées pour empêcher la réalisation du préjudice.

Sur l'obligation de former à la sécurité de l'employeur : voir § 26-2-4 Obligation de former à la sécurité (accès réservé aux abonnés des Fiches pratiques du droit de la formation)