Droit de la formation professionnelle et de l'apprentissage

L'obligation de formation et d'information à la sécurité est-elle une obligation particulière de sécurité au sens du Code pénal ?

Dans une décision rendue le 21 juin 2022, la Cour de cassation répond par la négative à cette question.

Par - Le 17 octobre 2022.

De quoi rassurer les employeurs, car la réponse à cette question constituait un enjeu de taille pour ces derniers : celui de la qualification de l'infraction de mise en danger d'autrui.

Deux infractions co-existent. La première désigne les situations dans lesquelles une personne expose autrui à une incapacité totale de travail d'une durée inférieure ou égale à trois mois  (article 220-22 du Code pénal). La seconde consiste dans le fait d'exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente (article 223 du Code pénal). Ces deux infractions sont constituées dès lors qu'est constatée une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement. Dans le cas de la seconde infraction, il n'est pas nécessaire que le salarié subisse un dommage, la seule exposition au risque suffit à caractériser le délit. Ces deux infractions peuvent être punies d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

Certes, l'employeur doit organiser une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice des travailleurs, cette formation devant être répétée périodiquement (article L. 4141-2 du code du travail). Il doit également organiser et dispenser une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier (article L 4141-1 Code du travail). Il s'agit bien d'obligations de sécurité prévue par la loi et le règlement. Mais sont-elles "particulières" ?

La faute délibérée se définit en effet comme la "violation d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement". Les obligations visées au soutien de la faute doivent réunir deux conditions cumulatives, être « de sécurité et de prudence » et « particulières ».

Or pour la Cour de cassation, les textes précités du Code du travail ne comportent que des obligations "générales" de prudence et de sécurité.

Les juges de la Haute cour avaient reconnu en 2017 que le non-respect des prescriptions de l'article L4142-2 du Code du travail, imposant de faire bénéficier les salariés temporaires, affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, d'une formation renforcée à cette sécurité, constituait une obligation particulière (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 avril 2017, 15-85.890 ). Leur position est donc différente en ce qui concerne l'obligation de formation renforcée posée à l'article L 4141-2. Il est vrai que cette obligation est traitée dans le Code du travail dans un chapitre intitulé "Obligation générale d'information et de formation"  alors que celle concernant les salariés titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée et les salariés temporaires affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité sont abordées dans un chapitre intitulé "Formations et mesures d'adaptation particulières."

En principe, la qualification de l'obligation particulière de prudence ou de sécurité relève du pouvoir souverain des juges du fonds, sous contrôle de la Cour de cassation (Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 septembre 2015, 14-84.355, Publié au bulletin). La notion d'obligation particulière n'est pas des plus simples à cerner et la jurisprudence rendue en la matière ne permet pas de déceler d'indices précis. L'obligation particulière serait celle qui «qui impose un modèle de conduite circonstanciée précisant très exactement la conduite à avoir dans telle ou telle situation » (M. Puech, « De la mise en danger d'autrui », Dalloz, 1994, p 153) en opposition avec celle posant des principes généraux de conduite.

Cour cassation, chambre sociale, 21 juin 2022, n° n° 21-85.691, publié au bulletin

Pour aller plus loin sur les obligations de formation de l'employeur (accès abonné) - Fiche 26-2-4 Obligation de former à la sécurité