L'apprentissage à distance dans le viseur de l'Etat, les professionnels se mobilisent
Les acteurs de la formation à distance montent au créneau. En ligne de mire : la baisse envisagée par le gouvernement des niveaux de prise en charge pour les CFA 100 % digitaux. Cette mesure jugée injuste et à contre-courant des enjeux actuels en matière de développement des compétences, fragiliserait une filière stratégique. Ils demandent aux pouvoirs publics d'y renoncer et d'ouvrir un débat de fond sur la régulation.
Par Catherine Trocquemé - Le 17 avril 2025.
Le projet de minoration des niveaux de prise en charge pour l'apprentissage à distance se concrétise. Les résultats de la concertation sur le financement, attendus autour du 23 avril (voir notre article), pourraient entériner une baisse significative. À la veille de cet arbitrage, les représentants du secteur haussent le ton, dénonçant ce qu'ils perçoivent comme un recul à la fois injustifié et dangereux. En début de semaine, Ainoa (association de la formation à distance), Les Acteurs de la Compétence et EdTech France ont lancé un appel d'alerte. À rebours d'un monde toujours plus technologique, la France choisit-elle de fragiliser sa propre filière ? La nécessaire régulation financière doit-elle, par principe, pénaliser la modalité distancielle ? Les professionnels rappellent les spécificités de leurs modèles économiques, les apports du numérique, et appellent à ouvrir un débat plus large sur la qualité de l'offre.
Des idées préconçues sur les modèles économiques
Pour justifier la minoration de la prise en charge des contrats d'apprentissage, les pouvoirs publics avancent leur coût, moins élevé. Or, rien n'est moins sûr, selon les professionnels du secteur. Leur modèle économique exige d'importants investissements technologiques, jusqu'à 25% du chiffre d'affaires selon les Acteurs de la compétence. Le prix à payer pour rester dans la course de l'innovation dans un environnement en constante évolution. Contrairement aux idées reçues, la formation à distance ne réduit pas les coûts : elle déplace et complexifie les besoins. Les CFA doivent intégrer des expertises spécifiques pour concevoir des contenus adaptés, outiller le suivi individualisé, gérer le sourcing ou encore piloter l'évaluation. Développeurs, ingénieurs pédagogiques, vidéastes, rédacteurs, data scientists… ces profils viennent s'ajouter, sans les remplacer, aux équipes classiques de la formation en présentiel. Dans le champ de l'apprentissage, l'accompagnement reste d'ailleurs très encadré, mobilisant formateurs, coachs et référents pédagogiques.
Des formations utiles, un moteur pour l'innovation
Dans leurs communiqués, les associations professionnelles rappellent l'utilité du distanciel. Ces solutions favorisent l'accès à la formation, permettent un déploiement de programmes à grande échelle, offrent des parcours personnalisés et ouvrent la possibilité d'un pilotage par les données. Pour Edtech France, une politique qui stigmatise la filière numérique risquerait d'affaiblir durablement la souveraineté de la France, dans une économie où l'innovation conditionne désormais la croissance et la performance. Beaucoup y voient aussi le risque de briser une dynamique enclenchée par la réforme de 2018, amplifiée par la crise sanitaire et jusqu'ici soutenue par les pouvoirs publics via des programmes comme les PIA ou Deffinum.
Construire une régulation durable et robuste
Pour tous les acteurs de la formation à distance, une bonne régulation passe par la qualité objectivée par des indicateurs partagés et complets (taux d'insertion professionnelle, d'obtention d'un diplôme ou de poursuite d'études). Ainoa travaille de longue date sur le sujet de la qualité en en lien avec les financeurs. L'association œuvre à la professionnalisation des acteurs, publie des chartes, des guides de référence et plaide pour l'élaboration d'un socle commun d'indicateurs mesurant l'efficacité et la qualité de la formation à distance. D'autres préfèrent s'en tenir à une logique du résultat sans distinguer entre les modalités (voir notre article). La régulation et la qualité restent les talons d'Achille de la réforme de 2018. Conduites à marche forcée, souvent en réaction à des fraudes ou à des tensions budgétaires, les politiques publiques peinent à poser les bases d'un système robuste et durable. Face à cette fragilité, les acteurs de la formation à distance appellent à revoir la minoration du financement des contrats d'apprentissage à distance et à ouvrir un dialogue avec le secteur.