Guillaume Houzel, directeur général délégué d’OpenClassrooms.
« Attention à ne pas opposer formation en présentiel et formation à distance », Guillaume Houzel, OpenClassrooms
En ciblant la formation à distance, le projet de régulation du marché de l'apprentissage passe-t-il à côté des vrais enjeux : ceux de la qualité et du financement ? Guillaume Houzel, directeur général délégué d'OpenClassrooms appelle à un débat de fond. Il alerte sur les risques d'une distinction artificielle entre les modalités de formation, au moment où l'innovation pédagogique est plus que jamais nécessaire.
Par Catherine Trocquemé - Le 28 avril 2025.
La régulation du marché de l'apprentissage avance sur une ligne de crête. Entre rigueur budgétaire, ambition qualitative et nécessité de maintenir la dynamique, les arbitrages s'annoncent complexes. Les prises de position du gouvernement sur la minoration de la prise en charge des parcours à distance font réagir les organisations professionnelles (voir notre article). Sur le terrain, les CFA 100 % digitaux s'inquiètent. En stigmatisant ainsi une modalité jugée moins coûteuse à mettre en œuvre, le projet porte un risque de fracture. « Attention à ne pas opposer formation en présentiel et formation à distance », déclare Guillaume Houzel, directeur général délégué d'OpenClassrooms. Pour l'ancien conseiller spécial de la ministre Carole Grandjean, la régulation doit avant tout s'appuyer sur un système qualité robuste et une simplification des modalités de financement de l'apprentissage.
Un modèle économique tourné vers l'innovation
En rejoignant l'entreprise à mission en 2024, Guillaume Houzel reste fidèle à son engagement au service public. Pionnière de l'Edtech française, OpenClassrooms symbolise l'émergence d'une nouvelle génération de parcours de formation digitale, plus accessibles, plus individualisés et enrichis de nouveaux services pilotés par l'analyse des données. Les fondateurs, issus du monde de la tech, développent leur propre plateforme en orientant son offre vers l'insertion professionnelle. Dans cette logique d'employabilité, le choix de l'alternance s'impose très tôt dans la stratégie de la start-up confirmée, en 2020, avec la création du premier CFA 100 % à distance. Malgré deux levées de fonds, OpenClassrooms n'échappe pas à un plan de restructuration au printemps 2023 (voir notre article).
Guillaume Houzel répond à ceux qui seraient tentés de voir dans le digital une modalité « low cost ». « Notre modèle économique 100 % digital exige des investissements technologiques continus afin de proposer les meilleurs services aux étudiants et aux entreprises, des équipes d'experts pédagogiques soutenues par des ingénieurs développeurs et des mentors pour un accompagnement renforcé ». Un an a ainsi été nécessaire pour concevoir une « Talent market place » qui met en relation employeurs et candidats à l'alternance. Une équipe de 25 développeurs web mettent au point ces solutions faisant appel à l'Intelligence artificielle. Ce prisme technologique n'exclut pas l'intervention humaine. Plus de 2 500 mentors assurent le suivi des apprentis, des ingénieurs pédagogiques ou encore des spécialistes du design et de la production de contenus digitaux travaillent sur les parcours. En tout, OpenClassrooms compte 230 collaborateurs.
Vers un acte 2 de la réforme de 2018 ?
Pour consolider son modèle économique, la start-up a fait le choix d'appliquer aux employeurs un reste à charge équivalent à environ un quart du niveau de prise en charge du contrat d'apprentissage. Un effort justifié par les services de sourcing et de suivi proposés par la plateforme. Pour OpenClassrooms, l'innovation digitale répond aux enjeux actuels du développement des compétences mais peine encore à trouver sa place et une légitimité dans le système. « La réforme de 2018 a transformé le système mais est restée au milieu du gué ». Faute d'une régulation solide, une vague de fraudes et une qualité pas toujours au rendez-vous ont fragilisé les nouveaux marchés du CPF et de l'apprentissage. « Le gouvernement a tardé à renforcer les capacités de contrôle et à articuler les politiques de régulation entre financeurs, notamment en organisant un réel partage des informations », note Guillaume Houzel.
Malgré une volonté politique affichée, le chantier de la qualité piétine. Le dispositif InserJeunes dont les informations sur l'entrée dans la vie active s'arrêtent au niveau du BTS ne peut remplir totalement sa mission. « Pour réguler, il est essentiel de disposer de données et d'indicateurs complets sur les résultats des formations ». Sans ce socle et face à la difficulté de s'entendre sur la notion même de qualité, l'idée défendue par certains acteurs d'en faire un des critères de fixation du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage ne semble pas avoir été retenue. Le projet issu des concertations prévoit une série de mesures d'économies liées au plafonnement des dépenses de communication des CFA, à un système de minoration et de majoration ou encore à l'instauration d'un reste à charge pour les entreprises accueillant des étudiants de l'enseignement supérieur (voir notre article). Une source potentielle de complexité. Pour OpenClassrooms, des réponses plus structurantes doivent être apportées. « Allons vers davantage de clarté et de lisibilité en simplifiant la fixation des niveaux de prise en charge. L'idée d'un prix par diplôme peut constituer une piste intéressante, à condition d'être bien construite ».
Le sujet de la qualité de l'apprentissage et de sa régulation financière sera abordé lors de la Grande journée de l'apprentissage organisé par Centre Inffo le 24 juin prochain :
CFA, Opco, entreprises : quelle réforme du financement et de la régulation de l'apprentissage ?