Exigences qualité, l'étau se resserre autour des prestataires de formation

Mis à l'épreuve sur le compte personnel de formation et dans l'apprentissage, le système qualité de la formation est devenu une priorité aux yeux du ministère du Travail. Sa structuration autour de la certification Qualiopi, des certifications professionnelles et des politiques de contrôle devrait s'intensifier. Dans un contexte de restriction budgétaire, la pression s'accentue.

Par - Le 05 avril 2024.

Une petite musique se fait de plus en plus entendre au ministère du Travail. « D'abord la qualité …c'est sans doute un des enjeux les plus importants des mois à venir », a ainsi déclaré Geoffroy de Vitry à la matinée de l'Opco Atlas consacrée à l'alternance, le 28 mars dernier. Le tout nouveau haut-commissaire à l'enseignement et à la formation professionnels reprend les dossiers de l'ancienne ministre déléguée Carole Grandjean. En haut de la pile, le chantier de la qualité de la formation. Conçues comme des garde-fous à la libéralisation du marché, la certification Qualiopi et la refonte des certifications professionnelles n'ont pas pu empêcher les fraudes au CPF et les pratiques contestables observées dans l'apprentissage.

Durcissement du cadre juridique

Mal maîtrisées, ces dérives menacent de ternir l'image d'un secteur appelé à jouer un rôle central dans l'atteinte du plein emploi et la conduite des grandes transitions. Conscient du risque, le ministère du Travail avait lancé, fin novembre 2022, un groupe de travail réunissant toutes les parties prenantes du système qualité, les financeurs, les certificateurs Qualiopi, le Cofrac, les propriétaires de certifications professionnelles et les organismes de formation. Dans le même temps, des décrets publiés à la fin de l'année 2023 durcissent le cadre juridique. Mais cela ne s'arrêtera sans doute pas là. L'Igas (Inspection générale des affaires sociales) s'est saisie du sujet. Dans un rapport à venir, l'inspection analyse les failles du dispositif qualité et propose des solutions pour davantage de cohérence et d'efficacité. Pour Loic Lebigre, consultant senior, intervenant pour Centre Inffo, « tous les signaux convergent vers un renforcement des exigences qualité ».

Qualiopi, vers une culture de l'amélioration continue

Au cœur du système, la certification Qualiopi née avec la réforme de 2018 introduit une démarche structurée autour d'un référentiel national unique et d'audits réalisés par des certificateurs accrédités par le Cofrac. Sa mise en place, en rupture avec la logique déclarative de Datadock, a exigé une phase d'appropriation. Pour accompagner les parties prenantes, le ministère du Travail met régulièrement à jour un guide lecture qui explicite les attendus Qualiopi. Au fil du temps, pas moins de 9 versions font ainsi vivre la certification. L'avant-dernière, la V8, a fait l'objet d'une concertation avec les représentants de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Publiée en novembre 2023, elle est aussi la plus aboutie, réaffirmant la nécessité de contextualiser les audits en fonction de l'activité de l'organisme de formation. Les modalités d'audit des indicateurs ayant soulevé des problèmes y sont précisées ou allégées dans un esprit de simplification. « La certification Qualiopi arrive à maturité. Beaucoup d'organismes de formation se préparent à l'audit de renouvellement », confirme Loïc Lebigre. Si un premier bilan indique une professionnalisation des pratiques des organismes de formations certifiés, la culture de la qualité n'est cependant pas toujours au rendez-vous. « Nous avons encore du chemin à faire pour entrer dans une démarche d'amélioration continue. Les non-conformités sont encore trop souvent perçues comme un mauvais signe et non pas comme un levier pour optimiser ses process », note Loïc Lebigre.

Un tour de vis en matière de qualité

Les prestataires de formation devront sans doute accélérer leur transformation. Les fraudes au CPF ainsi que les critiques sur la qualité de l'apprentissage ont rouvert le débat autour de la qualité et durci le cadre réglementaire. Les derniers textes consolident le système Qualiopi et imposent l'obtention de la certification à certains sous-traitants sur la plateforme Mon compte formation. Si le référentiel n'a pas changé, les évolutions des modalités d'audit harmonisent les pratiques des certificateurs et renforcent certains indicateurs. Ceux qui concernent les process d'amélioration continue entrent ainsi obligatoirement dans le périmètre de l'audit de surveillance. Mais pour faire système, la qualité ne peut pas se limiter à la certification Qualiopi. Cette dernière traite la qualité des process de délivrance de la formation et de l'organisation des prestataires.

Angle mort des référentiels de contrôle

La qualité de l'action de formation reste un angle mort dans la plupart des référentiels de contrôle des financeurs. Le contrôle pédagogique de l'apprentissage doit être renforcé et élargi. La coordination des contrôles fait l'objet d'expérimentations mais mériterait d'être systématisée. Autant de pistes souvent évoquées mais difficiles à mettre en œuvre. Le décret publié fin décembre 2023 pose un premier cadre juridique. « Il renforce les prérogatives des Opco en matière de contrôle et ouvre la voie à une mutualisation », confirme Loïc Lebigre. Le ministère du Travail voit plus loin. Encore très dispersées, les informations et signalements pourraient être partagées au sein de l'écosystème.

 

En complément, suivre le 25 avril prochain la Master class de Centre Inffo, "Qualité en formation: les nouveautés Qualiopi en 2024".