Organismes de formation : panorama de l'actualité du CDD

Pour sécuriser le recrutement et la gestion de vos formateurs en CDD, notamment en CDD d'usage, nous vous proposons un panorama de l'actualité récente concernant le CDD.

Par - Le 07 mars 2023.

Recours au CDD d'usage

La durée réduite de chacun des CDD ainsi que le caractère accessoire de l'activité et sa variabilité sont des motifs inopérants pour justifier du recours au CDD d'usage et ce quand bien même l'emploi est qualifié de temporaire par nature par la CCN applicable.

C'est le rappel - utile et nécessaire ! - d'une décision rendue par les juges de la Cour de cassation le 6 juillet 2022 (Cass. Soc. 6 juillet 2022, n° 21-16.086).

Le CDD d'usage ne peut être conclu que dans des secteurs d'activité définis soit par décret, soit par conventions ou accords collectifs de travail étendus. Parmi les secteurs visés par voie règlementaire se trouve "l'enseignement" (sans précision quant au périmètre, formation initiale ou continue). A titre d'exemple de disposition conventionnelle, la CCN des organismes de formation du 10 juin 1988 fixe, pour les structures entrant dans son champ, les conditions du recours au CDD d'usage pour les formateurs. L'article 5.4.3 précise qu'il est possible de faire appel au CDD d'usage dans deux cas :

  1. pour des actions limitées dans le temps requérant des intervenants dont les qualifications ne sont pas normalement mises en œuvre dans les activités de formation de l'organisme ;
  2. pour des missions temporaires pour lesquelles il est fait appel au contrat à durée déterminée en raison de la dispersion géographique des stages, de leur caractère occasionnel ou de l'accumulation des stages sur une même période ne permettant pas de recourir à l'effectif permanent habituel.

Mais cette qualification conventionnelle du périmètre de l'emploi ouvert au CDD d'usage n'emporte pas droit absolu et systématique au recours à ce type de CDD. L'établissement d'un tel périmètre ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné et donc la légalité du recours au CDD d'usage.

C'est l'apport de la décision du 6 juillet 2022.

Le CDD d'usage, qui fait figure d'une exception au sein de la catégorie des CDD, ne peut  être utilisé que pour pourvoir des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de cet emploi.

En l'espèce, un salarié avait été embauché en qualité d' "extra" par une société qui exerçait une activité de traiteur et d'organisateur de réceptions. Il avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la relation de travail en CDI.

Les juges du fond avaient rejeté sa demande en s'appuyant notamment sur les éléments suivants :

  1. chaque contrat était d'une durée de 6 ou 7 heures correspondant à la durée d'une réception ;
  2. la prestation d'organisateur de réception, pour laquelle l'employeur a recours à des maîtres d'hôtel extra, présentait un caractère accessoire puisque cette activité représentait 17 % de son chiffre d'affaires global,
  3. l'emploi était par "nature" temporaire puisqu'il était impossible de déterminer à l'avance la fréquence et le volume d'activité et d'effectif nécessaire, ces paramètres étant variables en fonction de la demande, du type d'événement, de la nature de la prestation, du nombre de participants et de la saison.

Chacun de ces critères trouverait à s'appliquer à l'activité d'un prestataire de formation. Les CCD d'usage sont souvent conclus pour une journée de formation de 7 h, l'activité "formation" peut n'être qu'accessoire et le recours aux formateurs est lié à la demande, variable et souvent impactée par les périodes de congés scolaires.

La seule mention d'une qualification conventionnelle - dans l'arrêt du 6 juillet 2022 celle d'extra qui selon la CCN hôtels, cafés restaurants est définie comme un emploi qui "par nature, est temporaire" (article 14) - n'établit pas qu'il peut être conclu dans le secteur concerné des CDD d'usage successifs pour ce type de contrats, pour tout poste et en toute circonstance.

Voir en complément notre actualité du 19 août 2022.

Rupture anticipée du CDD par le salarié en cas de manquements graves de l'employeur

Le CDD peut être rompu pour faute grave. Ce principe est affirmé de longue date par le législateur (article L1243-1 du Code du travail) mais il est vrai qu'habituellement c'est l'employeur qui, reprochant une faute grave à son salarié, rompt le CDD. Il est donc toujours intéressant de relever les décisions qui reconnaissent la licéité de la rupture du contrat par un salarié compte tenu des manquements qu'il reproche à son employeur.

Ces manquements, une fois constatés, auront deux effets. Le juge requalifiera la rupture. La rupture anticipée du CDD par le salarié consécutive au manquement de l'employeur est en effet imputable à ce dernier (Cass. Soc. 5 juin 2002, n° 00-44.230). Il en résulte que le salarié aura droit au versement de dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat (article L1243-4 du Code du travail). L'enjeu est donc de taille !

Le non paiement des salaires est un manquement qui autorise le salarié à rompre de manière anticipée le CDD pour faute grave de l'employeur. La rupture est alors intervenue à l'initiative de l'employeur et non du salarié comme le rappellent les juges dans une décision du 14 septembre 2022 (Cass. Soc. 14 septembre 2022, n°21-14.066).

Rupture fautive d'une longue relation contractuelle en CDD

L'action en requalification n'est pas la seule "arme" dont dispose un salarié. Il peut également demander la réparation d'autre préjudice comme l'illustre une décision du 9 février 2022 (Cass. Soc. 9 février 2022, n°20-14.880).

Dans cette affaire, un salarié obtient la requalification en CDI de 41 CDD conclus entre 2006 et 2016. Parallèlement, il introduit une demande de dommages et intérêts pour discrimination en raison de l'état de santé. En effet, la société qui l'employait avait cessé de faire appel à ses services  après un long arrêt de travail pour maladie.

L'employeur invoquait sa liberté contractuelle de ne pas reconclure un CDD. Il ne donnait aucune explication à son choix, alors même qu'il avait jusqu'à présent très régulièrement fait appel au salarié pendant 10 ans.

Dès lors, la décision des juges de la Cour de cassation est peu surprenante. Ils approuvent les juges du fond d'avoir déduit qu'en l'absence de justification par l'employeur des raisons objectives de sa décision, la liberté contractuelle ne pouvant suffire à justifier la rupture brutale d'une habitude de contracter ensemble prise depuis plus de dix ans, la preuve de la discrimination à raison de l'état de santé du salarié était rapportée. Le caractère suivi, stable et habituel des CDD induit que le salarié, partie victime de l'interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l'avenir une certaine continuité. L'existence d'une chaîne ininterrompue de CDD pendant 10 ans est de nature à faire présager au salarié la poursuite de la relation et la signature d'un nouveau contrat à l'échéance du précédent. Sans motifs objectifs à l'appui de la décision de l'employeur de ne pas reconclure de CDD, la discrimination s'imposait comme la seule explication à la non proposition d'un nouveau CDD. 

L'organisme de formation qui cesserait de faire appel à un formateur en CDD alors qu'il a eu recours à ses services durant de longues années doit pouvoir démontrer que sa décision repose sur des éléments objectifs et vérifiables. La vigilance s'impose !

Validité de la conclusion de CDD successifs avec le même salarié

La succession de CDD pour remplacement avec le même salarié obéit à des règles strictes (notamment le respect d'un délai de carence) dont le non respect peut conduire à la requalification en CDI (article L1244-1 du Code du travail). Toutefois, comme en témoigne une décision du 9 février 2022, certaines situations autorisent des assouplissements (Cass. Soc. 9 février 2022, n°20-17.295).

Une salariée signe 9 CDD entre le 26 juillet 2016 et le 31 décembre 2016. Elle saisit la juridiction prud'homale d'une action en requalification de la relation contractuelle en CDI. La possibilité donnée à l'employeur de conclure avec le même salarié des CDD successifs pour remplacer un ou des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Or, la salariée avait occupé, dans les faits, le même poste sur l'ensemble de la période visée avec la même qualification et la même rémunération horaire, de manière continue durant plus de cinq mois. Pour autant, le recours aux CDD avait-il concerné des emplois liés à l'activité normale et permanente de l'entreprise ? C'était tout l'enjeu de cette affaire : l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée de remplacement pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre.

C'est sur ce dernier critère, celui du caractère structurel du besoin de main-d'oeuvre que se positionne la Cour de cassation pour censurer les juges du fond qui ont accueilli favorablement la demande de requalification. Le seul fait pour l'employeur, qui est tenu de garantir aux salariés le bénéfice des droits à congés maladie ou maternité, à congés payés ou repos que leur accorde la loi, de recourir à des CDD de remplacement de manière récurrente, voire permanente, ne saurait suffire à caractériser un recours systématique aux CDD pour faire face à un besoin structurel de main d'oeuvre et pourvoir ainsi durablement à un emploi durable lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Pour les juges de la Haute cour, le constat de la réalité du remplacement de salariés absents et de la structure des effectifs de l'entreprise (plus de 1 500 salariés), justifie qu'il ne puisse être reproché à l'employeur de ne pas avoir établi l'existence d'un pic d'absences sur la période considérée.

On retiendra de cette jurisprudence que la requalification ne peut pas être justifiée par la seule régularité, voire permanence, d'un besoin de remplacement, entraînant un renouvellement systématique sur une certaine durée des engagements conclus avec un salarié pour l'exercice de mêmes fonctions.

Prescription de l'action en requalification d'un CDD en CDI

L'absence de nom et de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé ne permet pas au salarié de s'assurer de la réalité du motif du recours au CDD (article L1242-12 du Code du travail). Or, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit (article L1471-1 du Code du travail).

La question est de savoir à partir de quand court ce délai : date de conclusion du contrat ou date de rupture du contrat ? C'est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt du 23 novembre 2022 (Cass. Soc. 23 novembre 2022, n°21-13.059). Le délai de prescription de l'action en requalification d'un CDD conclut afin d'assurer le remplacement d'un salarié absent en contrat à durée indéterminée, fondée sur l'absence de mention du nom et de la qualification professionnelle du salarié remplacé, court à compter de la conclusion du contrat, comme de l'avenant, et non pas au terme de la relation contractuelle.

Il y a deux leçons à tirer de cette décision concernant le délai de prescription de l'action en requalification d'un CDD en CDI :

  1. dès lors qu'elle est fondée sur l'absence d'une mention au contrat susceptible d'entraîner sa requalification, cette action court à compter de la conclusion de ce contrat (ex : la durée minimale du CDD en cas de CDD à terme imprécis pour remplacement). Cette solution est cohérente puisque l'absence de la mention se "révèle", est apparente, dès la signature du contrat (Cass. Soc. 3 mai 2018, n°16-26.437) ;
  2. le point de départ de l'action en requalification est la date conclusion non seulement du contrat initial mais également d'un avenant de renouvellement ou de chaque contrat en cas de contrats successifs.

En revanche, le délai de prescription d'une action en requalification d'un CDD en CDI fondée sur le motif du recours au CDD énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat (Cass. Soc. 29 janvier 2020, n°18-15.359).

Incidence de la requalification d'un CDD en CDI

Les juges ont récemment rappelé que la requalification de la relation contractuelle en CDI confère au salarié le statut de travailleur permanent de l'entreprise. Ce dernier est donc replacé dans la situation qui aurait été la sienne s'il avait été recruté depuis l'origine dans le cadre d'un CDI (pour un CDD d'usage,  Cass . Soc. 8 février 2023, n° 21-10.270 - pour un intermittent du spectacle, Cass. Soc 8 février 2023, n° 21-17.971).

Cette règle implique en conséquence que les sommes qui ont pu lui être versées en vue de compenser la situation dans laquelle il était placé du fait de son CDD, lui restent acquises peu important la requalification ultérieure en CDI. Il ne peut donc y avoir compensation de ces sommes avec le montant des rappels de salaire auxquels a droit le salarié sur la base des droits ouverts aux salariés en CDI.

Quant au montant minimum de l'indemnité de requalification d'un CDD en CDI, il doit être calculé selon la moyenne de salaire mensuel dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud'homale. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l'ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu'ils ont une périodicité supérieure au mois (Cass. Soc. 8 février 2023, n° 21-16.824).

Lorsque le CDD à temps partiel est requalifié en CDI à temps plein, il convient de calculer le montant de l'indemnité de requalification sur la base d'un temps plein. Il s'agit d'une conséquence directe de la requalification : le salarié est considéré avoir toujours été en CDI à temps plein.

Recours au CDD pour remplacement en attente de remplacement définitif

Un CDD pour remplacement peut être conclu "en attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer" (article L1242-2 du Code du travail). Ce motif de recours est peu connu, et la décision du 13 avril 2022 mérite donc un petit commentaire (Cass. Soc. 13 avril 2022, n°20-10.079).

Les juges de la Haute cour y précisent qu'en aucun cas l'employeur n'est autorisé à recourir à un CDD afin de pourvoir un emploi dans l'attente du recrutement du titulaire du poste. La règle est claire : ce motif de recours n'est ouvert que si le salarié en CDI a été recruté mais n'occupe pas encore le poste et non si un candidat est pressenti ou que le poste est simplement vacant.

Conclusion d'un CDD pour remplacer plusieurs salariés absents

A titre expérimental, dans les secteurs qui seront définis par décret, un seul contrat à durée déterminée ou un seul contrat de mission pourra être conclu pour remplacer plusieurs salariés (Article 6 loi n°2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi).

Difficile de dire si le secteur de la formation figurera dans la liste des secteurs concernés par cette expérimentation. Ce n'est pas la première fois qu'une telle expérimentation est lancée. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel avait déjà posé cette dérogation. Le décret du 18 décembre 2019 qui définissait les secteurs d'activité autorisés à mettre en œuvre l'expérimentation sur le remplacement de plusieurs salariés par un seul salarié titulaire d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire ne listait pas le secteur de la formation.

Actuellement, et dans tous les cas, dans les secteurs qui ne seront pas visés par voie règlementaire, le CDD pour remplacement ne peut pas être conclu pour remplacer plusieurs salariés.

Rappelons que les juges, selon une jurisprudence constante, décident que l'absence de mention du nom et de la qualification "du" salarié remplacé entraîne la requalification en CDI. L'employeur doit être vigilant lorsqu'il rédige cette mention. Il doit être suffisamment précis pour permettre aux salariés engagés en CDD de connaître la qualification du salarié remplacé et bannir les expressions génériques et trop larges (la mention "personnel naviguant commercial" qui comporte plusieurs qualifications telles qu'hôtesse et steward, chef de cabine, chef de cabine principal dont les fonctions et rémunérations sont différentes ne remplit pas les exigences de précision Cass. Soc. 20 janvier 2021, 19-21.535 19-21.536 19-21.537 19-21.538 19-21.540 19-21.543 19-21.545 19-21.546 19-21.547 19-21.549).

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Pour aller plus loin (accès abonné) : Fiche 17-2 : Formateurs salariés de l'organisme de formation : CDI, CDII, occasionnels, CDD, CDD-U