Maïda : apprendre en construisant

Lauréat de l'appel à projet “Territoire d'innovation pédagogique" de France 2030 et soutenu par le campus d'excellence Habitat, énergies renouvelables et éco-construction, le BTP CFA du Gard a lancé Maïada, un chantier pédagogique pour permettre à ses apprentis d'expérimenter la conception et la construction d'un bâtiment durable, en travaillant avec des apprenants d'autres établissements.

Par - Le 18 juillet 2025.

Maïada signifie « arbre de mai » en occitan. C'est le nom choisi pour un projet innovant mais plongeant ses racines dans la tradition, ambitieux tout en favorisant la coopération : la conception et la construction pédagogique d'un bâtiment à énergie positive en matériaux biosourcés de 200 m² par des apprenants de différents établissements du Gard et de l'Hérault.

Pendant huit ans, les apprentis de toutes les filières du BTP CFA Occitanie de Méjanne-lès-Alès, associés aux étudiants en BUT[ 1 ]Bachelor universitaire de technologie. GCCD (génie civil et construction durable) de l'IUT de Nîmes, en BTS géomètre topographe et modélisation numérique du lycée Dhuoda de Nîmes, et aux élèves en bac pro TBAA (technicien d'études du bâtiment option assistant en architecture) du lycée Léonard de Vinci de Montpellier. Soit environ 300 apprenants en simultané, travaillent ensemble à un projet concret leur permettant d'apprendre leur métier tout en coopérant avec les autres métiers du bâtiment.

Transversalité

« La compartimentation de la formation limite la compréhension de l'ensemble, explique Sophie Voisin, directrice du campus BTP CFA à l'origine de cette initiative. C'est pourquoi notre objectif a été de travailler sur la transversalité dès la phase de conception, avec l'introduction du mode projet et du numérique au service d'une nouvelle vision inter-métiers et inter-disciplines. » Les premiers échanges ont commencé en 2021 et, depuis, de nombreuses interactions ont eu lieu entre enseignants et apprenants des différents établissements pour définir les bonnes pratiques. Le petit Maïada, maquette et cabane de chantier, a été réalisé, et les fondations de l'édifice final ont été coulées en septembre 2024, en collaboration entre les apprenants des différents établissements.

Motivation

Le support de communication et de travail collaboratif est le Bim (building information modeling), une maquette numérique en 3D dans laquelle sont indiquées les spécifications de dimension et de matériaux en phases conception et construction. « Les apprentis réalisent quelque chose qui va rester et sont plus motivés que lorsqu'ils réalisent des maquettes qui seront détruites », observe Gabriel Castrucci, formateur en maçonnerie au BTP CFA depuis quatre ans, qui suit 110 apprentis maçons de niveau CAP et BP par an. « C'est très efficace et on voit la montée en compétences plus rapide que ce qu'on a habituellement. » Les ateliers de formation sont réalisés en lien avec le référentiel du diplôme et les cours reliés au maximum avec le projet.

Formation de formateurs

Le projet écologique engage un changement de pratiques constructives et Gabriel Castrucci, maçon traditionnel qui a passé des décennies à faire du béton, reconnaît qu'il a dû se former, comme une trentaine d'intervenants de toutes les filières. « Depuis deux ans et demi, on a suivi des formations sur les enduits terre, la construction bois-paille et la fabrication de briques de terre compressée avec des partenaires associatifs et professionnels, et on a fait des chantiers participatifs le week-end », raconte-t-il. Cela a permis de lever les préjugés sur les matériaux biosourcés et sur la place des femmes dans la un secteur très masculin, puisque ce sont des femmes comme Aymone Nicolas et Marie Jamin qui ont assuré les formations de maçonnerie en terre crue. Outre des formations au pilotage de drone ou à la modélisation numérique, des fresques du climat ont aussi permis de sensibiliser aux enjeux environnementaux.

Nouvelles compétences et philosophie

« Nos apprentis, qui sont de futurs artisans, seront en capacité de construire des bâtiments les plus sobres possibles énergétiquement, avec les matériaux les plus adaptés à la région en fonction des hausses de température, souligne la directrice du BTP CFA. « Les entreprises du bâtiment qui sont derrière nous, notamment à travers la Capeb[ 2 ]Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment., comptent sur ces jeunes pour leur amener ces innovations et ces nouvelles compétences », ajoute Valérie Poplin, directrice opérationnelle du campus des métiers et des qualifications (CMQ) Habitat, énergies renouvelables et écoconstruction. « Mais ce travail collaboratif a aussi pour objectif de travailler sur des valeurs humaines, pour bâtir le mode de vie de demain », complète Sophie Voisin.

L'écrivaine Élise Thiébaut, en résidence au BTP CFA, est intervenue pour co-écrire la légende de Maïada, un livre autour des quatre éléments. « Nous avons donné à ces jeunes le cadre d'une réflexion sur des aspects symboliques et philosophiques, sur l'avenir dans lequel ils veulent vivre », poursuit-elle. Outre le livre, un jeu sérieux a été réalisé par les apprenants pour sensibiliser à l'écoconstruction. À partir de 2028, le bâtiment et son théâtre de verdure serviront d'espace de formation et de lieu ressource sur l'éco-construction.

Article initialement publié dans le n° 1101 d'Inffo Formation, pp. 28-29, 1er au 31 juillet 2025

Notes   [ + ]

1. Bachelor universitaire de technologie.
2. Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment.