Organismes de formation : la convention de formation sous le regard du juge

Les juges de la chambre commerciale de la Cour de cassation ont, dans une décision du 2 mars 2022, qualifié de contrat d'adhésion, la relation contractuelle liant un organisme de formation à une entreprise cliente (Cass. com., 2 mars 2022, n° pourvoi 21-10.343).

Par - Le 31 octobre 2022.

Premier apport de cette décision : rappeler que les dispositions impératives du Code du travail en matière de contractualisation entre l'organisme de formation et son client ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet de soustraire les conventions de formation professionnelle à l'application des dispositions des articles 1101 et suivants du Code civil. Ces conventions restent donc soumises au droit commun des contrats.

Second apport : préciser la nature du contrat liant un organisme de formation à son client lorsque la vente est formalisée par la signature d'un bulletin d'inscription fixant les conditions générales de réalisation de la prestation vendue.

Jusqu'au 1er octobre 2018, le contrat d'adhésion se définissait en effet comme celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, étaient déterminées à l'avance par l'une des parties. Cette rédaction visait ainsi les contrats conçus pour s'appliquer à "grande échelle", sans individualisation, destinés à une multitude de personnes ou de relations contractuelles, comme c'est le cas des bulletins d'inscription.

Depuis le 1er octobre 2018, la définition du contrat d'adhésion a été modifiée. Le contrat d'adhésion se définit désormais comme celui qui comporte un ensemble de clauses qui n'ont pas été librement négociées et ont été déterminées unilatéralement et non plus seulement comme celui qui renvoie à des conditions générales non négociées (article L1110 du Code civil).

Cette nouvelle définition pourrait-elle remettre en cause la qualification de contrat d'adhésion de la convention de formation ? Non, bien au contraire ! La qualification de contrat d'adhésion peut désormais être retenue dès lors que dans le cadre de la négociation, une des parties se voit imposer par l'autre une clause. Cet élargissement de la définition permet de couvrir non seulement les ventes via bulletin d'inscription mais également les contrats "sur mesure" dès lors que certaines des clauses sont imposées par l'une des parties. Affaire à suivre donc ... pour le moment, seule la vente formalisée par la signature d'un bulletin d'inscription a été qualifiée par les juges de contrat d'adhésion.

Sans grande surprise, les juges avaient en effet décidé dans l'affaire jugée par la Cour de cassation le 2 mars 2022, que le bulletin d'inscription proposé par l'organisme de formation et signé par l'entreprise, tenait lieu de contrat. En pratique, la conclusion d'une convention de formation professionnelle reste néanmoins la modalité habituelle de la contractualisation (article L6351-1 Code du travail).

Et justement, les conventions de formation apparaissent comme des contrats relativement "standardisés". Une des raisons de cette standardisation peut être trouvée dans l'obligation faite à l'organisme de formation de respecter des mentions obligatoires. En matière de vente de formation par apprentissage, l'administration a d'ailleurs proposé un "modèle" de convention de formation dont l'utilisation s'est très largement imposée. Les dispositions concernant le contenu des conventions de formation sont d'ordre public et il ne peut y être dérogé. Sous cette réserve cependant, les parties à la convention de formation sont libres de déterminer le contenu de leur contrat (article 1102 du Code civil). On trouve, dans de nombreuses conventions de formation, des dispositions concernant la résiliation et les règles de dédommagement, clauses le plus souvent imposées au client.

Quelle est la conséquence de la qualification de "contrat d'adhésion" ?

Elle permet de reconnaître la position de "contractant faible" qui n'est pas en mesure de négocier le contenu du contrat au client de l'organisme de formation, même s'il s'agit d'un professionnel. Ce cocontractant, sans être un consommateur, est protégé contre ce qui s'apparente à une violence économique. Cet "abus de dépendance" doit se traduire par l'existence d'une clause, fixée unilatéralement par la partie "forte", généralement le vendeur - voir en ce sens Cour d'appel de Versailles, 13 septembre 2021, 17/087621 qui précise que "le contrat de vente est effectivement un contrat d'adhésion, mais la partie à protéger en considération de la particularité de ce type de convention est l'acquéreur, pas le vendeur" - ici l'organisme de formation, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (article L1171 du Code civil).

Cette règle est une réplique de la règlementation du Code de la consommation sur les clauses abusives. La règlementation sur les clauses abusives a d'abord infusé dans le Code du commerce (article  L442-1 du Code du commerce) avant de s'imposer dans le droit général des contrats.

Si pour l'heure les juges ne se sont pas encore positionnés sur ce que pourrait être, dans une convention de formation, une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, les organismes de formation peuvent néanmoins utilement prendre connaissance de la recommandation publiée en 1991 par la Commission des clauses abusives. Cette dernière liste un certain nombre de clauses jugées abusives dans le contrat conclu entre un établissement d'enseignement et un consommateur. Les conventions de formation peuvent être diagnostiquées à l'aune de cette recommandation : clause de dédommagement, clause résolutoire, clause limitative de responsabilité ... sont autant de clauses fréquentes dans les conventions de formation qu'il convient d'auditer.

La sanction d'une clause génératrice d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est la nullité. Cette nullité peut s'étendre aux clauses qui lui seraient, le cas échéant, indivisiblement liées. En revanche, toutes les autres clauses du contrat demeurent valables et pleinement efficaces (Cass. Com. 26 janvier 2022, n° pourvoi 20-16.782).

Enfin, précisons que la qualification de contrat d'adhésion entraîne l'application d'une règle d'interprétation spécifique : en cas de doute, le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé (c'est à dire l'organisme de formation) (article 1190 du Code civil).

Les manquements graves de l'organisme de formation l'obligent à réparer le préjudice

"Imparfaitement exécutée", la prestation de formation doit permettre d'obtenir réparation. C'est ce qu'a décidé le Tribunal de commerce de Bordeaux dans l'affaire qui lui était soumise.
Si en cas d'inexécution totale ou partielle d'une prestation de formation, l'organisme prestataire rembourse au cocontractant les sommes indûment perçues de ce fait (article L6354-1 du Code du travail), rien n'est prévu dans le Code du travail en cas d'inexécution "imparfaite".
S'appuyant sur le principe d'exécution de bonne foi de la convention, principe général du droit, les juges du tribunal de commerce, condamne un organisme de formation au paiement d'une somme au titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.
Ils sont suivis par la Cour de cassation (Cass. Civ, 16 mars 2022, n° pourvoi 20-18.517). Pour les juges de la Haute cour, les nombreux manquements de l'organisme de formation relevés par les juges justifiaient leur décision (prestation de formation imprécise sur son contenu, programme modifié en l'absence des intervenants prévus, professeurs, décrits comme experts sur la plaquette commerciale, remplacés par des étudiants novices ...).
Pour diagnostiquer vos documents contractuels et tout savoir sur les règles de fonctionnement qui s'imposent à un organisme de formation, participez à notre session « Respecter les obligations d'un organisme de formation » – prochaines dates en distanciel des 7 au 9 novembre 2022.

Pour aller plus loin (accès abonnés) - Fiche 16-2 : Conventions de formation conclues avec les entreprises