Droit de la formation professionnelle et de l'apprentissage

Le manquement de l'employeur à son obligation de formation peut-il justifier une prise d'acte du salarié ?

Par - Le 10 octobre 2022.

La Cour de cassation répond par la négative à cette question dans un arrêt en date du 28 septembre 2022 mais laisse néanmoins une "porte" ouverte aux salariés : en effet, il en irait autrement si l'absence de formation avait eu une incidence sur la carrière du salarié (Cass. Soc. 28 septembre 2022, n° pourvoi 20-17.100).

L'objectif de la prise d'acte est de faire reconnaître la responsabilité de l'employeur dans la rupture qui lui est alors imputable. Si les juges considèrent les éléments présentés par le salarié comme suffisamment graves, la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La gravité des manquements est appréciée souverainement par les juges du fonds, donc au cas par cas.

Les manquements graves sont généralement ceux qui touchent à un élément essentiel du contrat de travail (modification unilatérale de la rémunération (Cass. Soc. 6 février 2019, n° pourvoi 17-28.744) - modification des attributions du salarié (Cass. Soc 6 mars 2019, n° pourvoi 17-18.260 notamment si elle entraine une perte de responsabilité Cass. Soc 9 janvier 2019 n° pourvoi 17-24.455)) ou encore atteinte à la santé et à la sécurité (Cass. Soc 15 janvier 2020, n° pourvoi 18-23.417). Or, l'obligation de formation, forme classique si ce n'est exclusive de l'obligation d'adaptation et de maintien de l'employabilité qui pèse sur l'employeur, trouve, au delà du Code du travail, sa source dans l'obligation même d'exécuter de bonne foi le contrat de travail (Cass. Soc 25 février 1992, n° pourvoi 89-41.634). Son non respect pourrait donc à ce titre constituer un manquement grave dans l'exécution du contrat.

Rappelons que le défaut de formation peut constituer un manquement de l'employeur à son obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations (voir sur ce point notre actualité (accès libre) en date du 28 aout 2020). Pour être réparé, ce manquement doit avoir causé un préjudice au salarié, préjudice que ce dernier devra prouver (Cass. Soc. 3 mai 2018, n° de pourvoi 16-26796) . Relevons que ce préjudice est distinct de celui causé par un licenciement sans cause réelle et sérieuse et fait donc l'objet d'une indemnisation spécifique (Cass. soc. 12 septembre 2018, n° de pourvoi 17-14257). C'est sur l'employeur que pèse la charge de la preuve qu'il a bien respecté son obligation (Cass; Soc. 15 juin 2022, n° pourvoir 20-20.252).

Plus que jamais, la vigilance s'impose pour les employeurs en matière de formation !

Pour aller plus loin (accès abonné) -

Fiche 26-2 : Obligation d'adapter le salarié à son poste de travail

Fiche 26-3 : Obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi