Dominique Faivre Pierret (ANFA), Julien Gondard (CMA France), Stéphane Lardy (France compétences), Jean-Philippe Audrain (Fnadir) et Arnaud Muret (Opco EP), lors des Assises de l’apprentissage organisées le 7 novembre 2023 par CMA France.

Apprentissage : l'épineuse question du financement

Les acteurs de la formation s'inquiètent de l'impact de la baisse des niveaux de prise en charge, et appellent à un financement pérenne de l'apprentissage. Le sujet a été au coeur des Assises de l'apprentissage organisées le 7 novembre par CMA France.

Par - Le 10 novembre 2023.

Julien Gondard, directeur de CMA France porte un regard « inquiet » sur la situation de l'apprentissage. « Il y a des difficultés de pilotage qui font qu'on s'éloigne des objectifs premiers ». Les contrats d'apprentissage de niveau 3 et 4, l'essentiel de ceux portés dans l'artisanat, ne représentent plus que 37 % des contrats signés « contre 75 % il y a quelques années », malgré un objectif de 57 % fixé par le PLF. Julien Gondard regrette que la baisse des NPEC (niveau de prise en charge) mette en difficulté certaines formations. « Notre ADN est de former à tous les métiers, dans tous les territoires, même lorsqu'il s'agit de petites sections de vitraillistes, sur lesquelles il n'y a pas de marge. » Or, le risque est « de ne plus pouvoir former dans des métiers à faibles effectifs ou dans la ruralité ». Il souhaiterait que les régions jouent un plus grand rôle dans la définition des priorités de formation.

« Comment faire plus avec moins, concilier la soutenabilité du système et la durabilité des CFA ? », s'interroge Jean-Philippe Audrain, président de la Fnadir (Fédération nationale des directeurs de CFA) qui rappelle que malgré un effectif d'apprentis qui a triplé depuis 2018, « les sources de financement n'ont quasiment pas évolué ». Il estime nécessaire de réfléchir à la façon dont l'Etat pourrait flécher les ressources « pour financer de manière pérenne l'apprentissage ».

Des CFA en difficultés

Dominique Faivre Pierret, déléguée générale de l'ANFA, association qui accompagne la branche des services de l'automobile, regrette que « nous ayons eu des demandes de baisse des NPEC dans certains diplômes de notre cœur de branche, et d'augmentation pour des formations plus tertiaires, qui nécessitent moins d'investissement financier ». La branche travaille avec 200 CFA, dont 80 en partenariat privilégiés. En enquêtant auprès de ces derniers, elle a relevé des coûts qui différent parfois de 1 à 3 en fonction des lieux de formation. En Ile-de-France notamment, où les loyers sont très élevés, « nous avons un CFA mono métier très en difficulté ». Certaines formations demandent des plateaux techniques et des moyens humains importants, « ce qui n'est pas considéré dans le NPEC ». Elle se prononce pour que les branches, « qui ont une connaissance fine de leur besoins », puissent avoir une vision prépondérante dans le cas de certifications cœur de métier dans les CPNE.

Pour Arnaud Muret, directeur général de l'Opco EP, « la baisse du coût contrat, en moyenne de 7 %, révèle de grandes disparités ». Ainsi la branche combustible enregistre une baisse de 25 %, celle de prothésiste dentaire de 18 %. Aujourd'hui, la prise en charge « n'englobe pas tous les coûts du CFA ». Arnaud Muret constate que la convention d'objectifs et de moyens oblige à des arbitrages entre le financement de l'alternance et du plan de développement des compétences.

Introduire des critères qualité ?

« Nous avons un débat collectif à mener pour savoir ce qui peut relever de la prise en charge unique », considère Stéphane Lardy, directeur général de France compétence. « Quel rapport entre la qualité et le niveau de prise en charge ? Doit-on la baisser si le taux d'insertion est mauvais ? », s'interroge-t-il, précisant que pour l'instant il n'a pas repéré de relation entre un niveau de prise en charge élevé et un meilleur taux d'insertion. « La comptabilité analytique ne fait pas tout, admet-il. Il y a des questions de qualité, de pédagogie ». La question est « qu'est la bonne régulation d'un système ? Qu'est ce qui relève de l'Etat, des entreprises, des branches ? » Par exemple, la piste de la surpondération du poids de certaines branches dans certaines certifications « fait débat ». Pour l'instant les 215 CPNE se sont plutôt concentrées sur les cœurs de métiers, laissant les diplômes transverses en carence. « Mais les choses avancent, et la réforme est encore très jeune », rappelle Stéphane Lardy.

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