Laurent Munerot (U2P), Bruno Coquet (OFCE), Axel Cournède, (conseiller de Carole Grandjean) et Florence Guebey (Les Acteurs de la compétence) lors des 1ères Rencontres de l’apprentissage, organisées le 7 novembre 2023 par le réseau des Chambres de métiers et de l’artisanat (CMA France).

Apprentissage : une concertation va s'ouvrir

Comment réguler sans casser un dispositif de formation aussi efficace que gourmand en ressources financières ? Cette question était au centre des premières Assises de l'apprentissage, organisées le 7 novembre par le réseau des Chambres de métiers et de l'artisanat. L'évolution du système fera prochainement l'objet d'une concertation avec toutes les parties prenantes.

Par - Le 09 novembre 2023.

Incontestable succès aux yeux de Joël Fourny, président de CMA France, la loi Avenir professionnel de 2018 a, selon lui, été un excellent moyen de repenser les enjeux et de développer l'alternance. Environ 300 000 apprentis en 2017, 830 000 aujourd'hui, le bilan quantitatif ne peut que témoigner d'un certain succès. Qu'il s'agisse de l'ouverture à de nouveaux publics, à des niveaux de formation supérieurs ou à de nouvelles modalités pédagogiques, le bilan est pour lui assurément positif.

Augmentation des dépenses

Mais ce satisfecit s'accompagne aussi d'un « revers de la médaille » lié au financement du système. L'expert de l'OFCE [ 1 ]Observatoire français des conjonctures économiques Bruno Coquet l'aura rappelé, avec un chiffrage estimé à 21 milliards en 2022, en hausse de 270 % depuis 2018, et un coût par apprenti estimé à 22 000 euros par an contre 11 000 pour un étudiant du supérieur, l'apprentissage est sans doute le meilleur emploi aidé qui soit en termes d'insertion, mais reste, insiste-t-il un emploi aidé, qui coûte cher. Il le précise dans un article, « si le million de nouveaux contrats était atteint en 2024, à réglementation inchangée de l'aide unique et des niveaux de prise en charge par France compétences, la dépense totale pour l'apprentissage atteindrait 24,1 milliards d'euros en 2024, contre un coût total estimé de 22,6 milliards en 2023. » Tout simplement « pas soutenable » pour la dépense publique selon lui.

« Utilité sociale » de l'apprentissage

Globalement partagée, l'analyse provoque tout juste un appel à bien mesurer, selon l'expression de Laurent Munerot, vice-président de l'U2P, « l'utilité sociale » du dispositif. Tant pour son rôle en matière d'insertion que pour son statut de voie de formation initiale, l'apprentissage est de façon unanime davantage à considérer comme un investissement public que comme une dépense. Conscient de l'équation financière, Joël Fourny souligne que son réseau est prêt à reverser d'éventuels excédents de trésorerie sur la formation. Mais pour autant, alerte-t-il, attention à ce que la régulation n'entraîne pas un déséquilibre financier des CFA. D'où l'appel à l'ouverture rapide d'une concertation.

Concertation à venir

Laquelle, selon Axel Cournède, conseiller formation et apprentissage de la ministre déléguée à l'Enseignement et à la Formation professionnels Carole Grandjean, ne devrait pas tarder à s'enclencher. Il le reconnaît, avec 3 800 certifications, 260 branches et 814 000 valeurs fixées par les branches, le système de financement est complexe. Aussi et alors qu'une nouvelle régulation des niveaux de prise en charge vient de s'opérer, c'est désormais une « concertation très large » associant CFA et leurs réseaux, branches professionnelles et partenaires sociaux qui devrait s'ouvrir. Objectif du ministère ? Faire remonter d'ici au mois de décembre les propositions de l'ensemble des acteurs en vue d'une expertise juridique, technique et budgétaire par l'État et France compétences.

Faire émerger des pistes d'évolution

Axel Cournède le précise, plusieurs groupes thématiques seront déployés dans le cadre de cette concertation. Il l'assure, le cadrage ne sera « pas trop fort » afin que chacun, y compris l'État, puisse porter et remonter ses pistes d'évolution. Florence Guebey, présidente de la commission alternance des Acteurs de la compétence, prévient déjà, son organisation continuera d'inviter à sortir d'un modèle de régulation fondé sur la seule comptabilité analytique, qui ne tient pas compte du « concret opérationnel. » Pour l'U2P, Laurent Munerot défend lui une régulation des aides à l'apprentissage qui soit fondée sur l'effectif des entreprises plutôt que sur les niveaux de qualification.

Révision systémique

En termes de calendrier, le conseiller de la ministre espère une fin des travaux pour mai 2024, avec une traduction législative dans la foulée si nécessaire. Il insiste, l'enjeu de la concertation n'est pas celui d'un simple « paramétrage technique » mais bien d'une révision « systémique » des mécanismes de régulation. Et de conclure sur la promesse de ne pas engager de nouveau mouvement de régulation courant 2024, alors même que la refonte du système sera en discussion.

Notes   [ + ]

1. Observatoire français des conjonctures économiques