Apprentissage : vers une nouvelle baisse des niveaux de prise en charge ?

A la demande du ministère du Travail, France compétences a passé au crible les données comptables et la situation financière de 40 centres de formation d'apprentis. Ces « investigations » montrent que les données transmises à l'instance de régulation pour l'année 2021 sont dans l'ensemble de bonne qualité et que, les niveaux de prise en charge des contrats contribuent à générer plus de la moitié des marges dégagées. De quoi justifier une nouvelle baisse en juillet ? Le conseil d'administration de France compétences tranchera le 11 mai.

Par - Le 04 mai 2023.

La commission recommandation de France compétences s'est réunie le 26 avril pour évoquer la situation des CFA dans la perspective de la prochaine étape de la révision des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage prévue en juillet. Pour alimenter les réflexions de cette commission et celle du conseil d'administration qui statuera le 11 mai, France compétences a présenté les conclusions d'une étude réalisée à la demande du ministère du Travail.

Ce travail d'analyse approfondie a été mené auprès de 40 CFA avec pour objectif « non pas de faire une étude qui serait statistiquement représentative de l'ensemble des CFA mais de vérifier, sur un panel d'organismes de profils différents, le qualité des données comptables transmises et la situation économique et financière des organismes », précise Renaud Bricq, directeur de la régulation de France compétences. Parmi les 40 organismes retenus figurent 12 CFA de l'artisanat, 14 CFA ayant déclaré des taux de marges élevés (plus de 20 %), 11 CFA présentant pour certaines formations des écarts importants par rapport aux moyennes observées et 3 CFA de l'enseignement supérieur.

Des données comptables fiables dans l'ensemble

Sur le plan comptable, pas de signaux d'alerte. Les deux tiers du panel (représentant 90 % des charges analysées), présentent une comptabilité analytique « suffisamment sérieuse et rigoureuse », alors que « ce panel volontairement non représentatif était plutôt propice à trouver des cas problématiques », précise France compétences. Les erreurs observées de la part du tiers restant ne sont pas de nature à remettre en cause les analyses. « Nous sommes rassurés, dans l'ensemble les données fournies sont fiables, même si certaines pratiques, heureusement marginales, pourraient être améliorées », estime Renaud Bricq. Cette étude met cependant en lumière la nécessité de manier les chiffres avec prudence dans certaines situations. « Dans notre travail d'analyse, nous devons faire preuve de vigilance non seulement lorsque les moyennes observées par certification varient de manière importante d'une année à l'autre, mais aussi lorsqu'elles s'appuient sur des données émanant d'un petit nombre de CFA. En deçà de quatre CFA, une erreur pourrait risquer de fausser la moyenne, c'est pourquoi ce facteur est pris en compte dans la réflexion sur l'élaboration de nos recommandations », précise-t-il.

Un taux de marge de 17,2 % en moyenne

Sur le plan financier, l'étude montre que les CFA du panel ne rencontrent pas de difficultés particulières. Pour l'année 2021, leur taux de marge s'élève à 17,2 %. « 35 CFA sur 40 ont un taux de marges supérieur à 5 %. Et lorsqu'on écarte les 14 CFA qui réalisent des taux de marges importants, la situation des 26 restant s'avère confortable. Leur taux de marge s'élève à 12,4 % alors que la moyenne est de 11 % sur l'ensemble des 2 000 CFA », souligne Renaud Bricq.

L'étude montre que les 40 CFA génèrent au total 97 millions d'euros de marges et détaille les trois composantes de ces bénéfices. Ainsi, un CFA peut générer de la marge parce ces coûts de revient sont peu élevés. Cet avantage compétitif génère 13 % de la marge totale, soit 12,8 millions d'euros. Les compléments de recettes provenant des Régions, des entreprises ou d'autres sources financières représentent 29 % de la marge générée (27,8 millions d'euros). L'essentiel de la marge – 58 %, soit 56,8 millions d'euros – s'explique par des niveaux de prise en charge supérieur au coût de revient. « Cette analyse nous montre qu'en 2021, l'effet des niveaux de prise en charge sur la marge n'était pas anodin, même s'il est un peu surévalué puisque le panel comporte des CFA ayant des marges importantes. Mais cet effet existe bel et bien pour toutes les catégories de l'échantillon », observe Renaud Bricq.

Un niveau de prise en charge « surévalué »

Engagée à la demande du ministère du Travail, cette étude va alimenter les discussions du conseil d'administration de France compétences qui se réunira le 11 mai pour statuer sur les niveaux de prise en charge. Faut-il s'attendre à une nouvelle baisse après celle décidée en septembre 2022 ? « Les éléments dont nous disposons nous démontrent, au final, qu'en 2021, le niveau de prise en charge était surévalué par rapport au coût contrat réel moyen. Il faut toutefois prendre en compte l'inflation et intégrer des marges d'erreur possible pour certaines formations, celles pour lesquelles nous disposons de peu de données », indique Renaud Bricq.

Versement de dividendes, un point d'attention

L'étude soulève par ailleurs un point qui fait débat. Sur les 40 CFA étudiés, huit sociétés commerciales ayant généré un résultat d'un peu plus de 21 millions d'euros cumulé ont distribué des dividendes à leurs actionnaires pour un total de 16,4 millions d'euros (78 % du résultat dégagé). Ce phénomène apparait amplifié par l'échantillon retenu. Sur l'ensemble des CFA ayant renseigné leur comptabilité analytique en 2021, le versement de dividende a représenté 7 % de la marge totale générée. Pour France compétences, cette pratique n'est pas choquante en soi, dans la mesure où ces dividendes peuvent servir à rémunérer des financements d'investissement de la part d'investisseurs privés. Toutefois, le sujet constitue « un point d'attention pour la gouvernance de France compétences et pour l'ensemble des financeurs potentiels ». D'autant que selon les observations du régulateur, parmi les CFA qui dégagent des marges importantes, certains bénéficient de niveaux de prise en charge élevés « mais parviennent en plus à obtenir un financement complémentaire », de la part d'entreprises notamment.

 

Les 40 CFA analysés :

  • 12 CFA formant aux métiers de l'artisanat
  • 14 CFA présentant un taux de marge élevé en 2021 (plus de 20 %)
  • 11 CFA présentant sur une certification en 2021 un écart important entre les valeurs moyennes observées et les recommandations
  • 3 CFA de l'enseignement supérieur

Leurs chiffres clés :

  • 70 888 apprentis
  • 1 406 certifications différentes
  • 567 millions d'euros de produits
  • 470 millions d'euros de charges
  • 97,4 millions d'euros de marge, soit un taux de marge moyen de 17,2 % contre 11,2 % en moyenne sur l'ensemble des CFA.