Contrat de formation professionnelle : vigilance dans la détermination du programme de formation !

C'est l'un des enseignements qu'il convient de retenir de la décision de la Cour d'appel de Paris rendue le 30 juin 2023.

Par - Le 16 octobre 2023.

La nécessité de distinguer "contenu" et "programme" prend tout son sens lorsque l'organisme de formation contractualise avec une personne physique qui entreprend, à titre individuel et à ses frais, une formation. Dans ce cas, doit en effet être conclu, non pas une convention de formation mais un contrat de formation professionnelle (article L6353-3 du Code du travail). Lequel doit contenir certaines mentions, sous peine de nullité (article L6353-4 du Code du travail). Or, parmi ces mentions se trouve le "programme" de la formation.
Depuis le 1er janvier 2019, la notion de programme a disparu lorsqu'une convention de formation professionnelle est conclue [ 1 ] L'article L6351-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 septembre 2018 précisait en effet : "les actions de formation professionnelle (...) sont réalisées conformément à un programme préétabli qui, en fonction d'objectifs déterminés, précise le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation, les moyens pédagogiques, techniques et d'encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d'en apprécier les résultats. Les actions de formation peuvent être organisées sous la forme d'un parcours comprenant, outre les séquences de formation, le positionnement pédagogique, l'évaluation et l'accompagnement de la personne qui suit la formation et permettant d'adapter le programme et les modalités de déroulement de la formation. Elle peut s'effectuer en tout ou partie à distance, le cas échéant en dehors de la présence des personnes chargées de l'encadrement. Dans ce cas, le programme mentionné au premier alinéa précise " plusieurs informations. . Tout au plus, lorsque ces conventions portent sur des actions financées sur fonds publics ou mutualisés, doivent-elles préciser le "contenu" de l'action (article D6353-1 du Code du travail).
On pressent que cette modification a un sens. Le programme sous entend une construction, un examen des contenus sous l'angle de l'apprentissage ; le contenu renvoi aux thèmes abordés et aux ressources mises à la disposition de l'apprenant avec une idée de limite. Le contenu est indissociable de l'espace et de la capacité qui le renferme.  Le hic, c'est que le législateur n'a défini aucune de ces deux notions.
C'est pourquoi la décision rendue par les juges de la cour d'appel de Paris est particulièrement intéressante en ce qu'elle apporte un éclairage sur les caractéristiques que doit revêtir le programme devant être mentionné dans le contrat de formation professionnelle.
Dans cette affaire, un organisme de formation a conclu un contrat de formation professionnelle désignée "informatique décisionnelle" avec un particulier. Invoquant des absences non justifiées, l'organisme de formation a adressé au particulier une mise en demeure de régler certaines sommes en application du contrat puis lui a notifié la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. Le particulier a demandé que soit prononcée la nullité du contrat, notamment pour non respect des dispositions du Code du travail relatives au contrat de formation professionnelle.
Les juges du fond ont donc analysé les dispositions contractuelles en cause. Ainsi, le contrat de formation professionnelle contient un "avant propos". Ce dernier explique que le terme générique d'informaticien regroupe diverses spécialités qu'il liste. Les juges en concluent que "au vu du périmètre très large et très divers de cette définition, d'ailleurs relevé par [l'organisme de formation lui-même] , aucune précision sur la formation ne peut être tirée de ce préambule". L'article 1er du contrat stipule quant à lui qu' « en exécution du présent contrat, [l'organisme de formation] s'engage à organiser l'action de formation intitulée : formation conçue et créée par l'organisme de formation dans le cadre de l'informatique appliquée aux métiers concernés". Le document « Règlement des études » annexé au contrat comporte un article 1er intitulé «présentation générale de la formation » qui reprend la même définition que celle déjà rapportée à l'article 1er du contrat « objet ». Est cependant ajoutée la mention suivante : « le programme complet figure en annexe 1 ». Cette annexe, paraphée par le particulier, indique "Études et développement, spécialisation PHP » et renvoie à 3 niveaux dont le premier consiste en un tableau de deux colonnes, la première indiquant ligne après ligne « module administrative (sic), module logistique, démarche projet informatique, module assurance-vie, modélisation et conception des B (la suite étant coupée par la fin de la colonne du tableau) (') module Shell NIV2 (') » etc, la 2e colonne présentant le nombre d'heures correspondant à chaque module. Les autres niveaux sont présentés de manière identique.

Pour les juges, "la seule énumération de ces modules, générale, parfois tronquée, usant en outre d'acronymes non détaillés, suivie d'un nombre d'heures totale par module, ne peut être qualifiée de « programme » au sens du code du travail, qui considérant que la personne physique qui souscrit une telle formation se trouve dans la situation d'un consommateur payant celle-ci à ses propres frais, doit être informée et éclairée sur le contenu et les caractéristiques essentielles de la formation qu'elle achète  [ 2 ] C'est en effet cette finalité qui avait été mise en avant en 1990 lors de l'examen du texte créant cette obligation - Ce texte a été créé par l'article 11 de la loi n 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit-formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue et modifiant le livre IX du code du travail, pour tenir compte de l'existence de contrats individuels de formation professionnelle à côté des conventions de formation professionnelle. Le rapport déposé au nom de la commission des affaires sociales à l'occasion de l'examen du texte par le Sénat indiquait ainsi que ce nouvel article énonce les clauses obligatoires du contrat de formation professionnelle conclu à titre individuel et à ses frais par une personne physique avec un dispensateur de formation et ce afin d'assurer une protection de l'usager dans ses droits de consommateur de formation, les mentions obligatoires lui permettant de s'engager en connaissance de cause. Le rapport ajoutait qu'il est également essentiel qu'elles permettent de cerner avec exactitude le niveau de connaissances exigées dès l'abord et celui des qualifications auxquelles le formation entend conduire.. Les matières ne sont pas détaillées, le contenu des cours n'est pas présenté, l'intitulé même des modules est abscons ou général, le lien entre les matières dispensées au cours de cette année de formation n'est pas présenté, aucune architecture de la formation ni progression n'est apparente".

Ainsi, le programme de la formation ne peut être considéré comme présenté dans le contrat ou ses annexes, de telle sorte que le particulier n'était pas éclairé sur la nature et le programme de la formation souscrite. Le contrat ou ses annexes acceptées ne précisant pas le programme de la formation vendue encourt ainsi la nullité.

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Pour aller plus loin (accès abonné) : Fiche 16-4 : Contrat de formation professionnelle avec une personne physique

Notes   [ + ]

1. L'article L6351-3 dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 septembre 2018 précisait en effet : "les actions de formation professionnelle (...) sont réalisées conformément à un programme préétabli qui, en fonction d'objectifs déterminés, précise le niveau de connaissances préalables requis pour suivre la formation, les moyens pédagogiques, techniques et d'encadrement mis en œuvre ainsi que les moyens permettant de suivre son exécution et d'en apprécier les résultats. Les actions de formation peuvent être organisées sous la forme d'un parcours comprenant, outre les séquences de formation, le positionnement pédagogique, l'évaluation et l'accompagnement de la personne qui suit la formation et permettant d'adapter le programme et les modalités de déroulement de la formation. Elle peut s'effectuer en tout ou partie à distance, le cas échéant en dehors de la présence des personnes chargées de l'encadrement. Dans ce cas, le programme mentionné au premier alinéa précise " plusieurs informations.
2. C'est en effet cette finalité qui avait été mise en avant en 1990 lors de l'examen du texte créant cette obligation - Ce texte a été créé par l'article 11 de la loi n 90-579 du 4 juillet 1990 relative au crédit-formation, à la qualité et au contrôle de la formation professionnelle continue et modifiant le livre IX du code du travail, pour tenir compte de l'existence de contrats individuels de formation professionnelle à côté des conventions de formation professionnelle. Le rapport déposé au nom de la commission des affaires sociales à l'occasion de l'examen du texte par le Sénat indiquait ainsi que ce nouvel article énonce les clauses obligatoires du contrat de formation professionnelle conclu à titre individuel et à ses frais par une personne physique avec un dispensateur de formation et ce afin d'assurer une protection de l'usager dans ses droits de consommateur de formation, les mentions obligatoires lui permettant de s'engager en connaissance de cause. Le rapport ajoutait qu'il est également essentiel qu'elles permettent de cerner avec exactitude le niveau de connaissances exigées dès l'abord et celui des qualifications auxquelles le formation entend conduire.