Portrait de Jacques Bahry, président du FFFOD, micro à la main

Jacques Bahry, président du Fffod du 6 décembre 1995 au 15 juin 2021

Jacques Bahry quitte la présidence du Forum des acteurs de la formation digitale (Fffod)

26 ans après l'avoir créé en 1995, Jacques Bahry quitte ce jour la présidence du Forum des acteurs de la formation digitale (Fffod). Un(e) nouveau(elle) président(e) sera élu(e) lors de l'assemblée générale à distance qui se tient aujourd'hui mardi 15 juin. Entretien.

Par - Le 15 juin 2021.

S'entretenir avec Jacques Bahry [ 1 ]Jacques Bahry est vice-président de Centre Inffo. du Forum des acteurs de la formation digitale, c'est s'entretenir avec un pionnier. Et parler à un pionnier, c'est curieux. On peut aborder l'entretien avec l'idée que notre interlocuteur aura une réponse définitive à chaque question et l'on se tromperait. Un pionnier est peut-être moins un expert qu'un explorateur. Jacques Bahry, c'est au moins autant de questions que de réponses, une ouverture constante à la nouveauté qui fait que le débat n'est jamais clos. Jacques Bahry, c'est une certaine gourmandise, des intuitions et un regard prospectif. C'est aussi, nourrie par une carrière de dirigeant d'entreprise, une vision de la formation professionnelle. Vision qu'il a toujours eu à cœur de partager et de pousser au plus près du législateur, avec un fil directeur qui s'incarne aujourd'hui jusque dans les textes qui régissent le système de formation professionnelle français : la multimodalité. Petit entretien à l'heure du passage de témoin.

La levée des freins réglementaires : une contribution majeure à la multimodalité

Le Quotidien de la formation - Pouvez-vous nous rappeler quand et pourquoi avoir créé le Forum des acteurs de la formation digitale, le Fffod, qui était alors le Forum français pour la formation ouverte et à distance ?

Jacques Bahry -  Le Forum français pour la formation ouverte et à distance (Fffod) est indirectement issu d'un programme européen qui concernait l'utilisation du numérique en formation, avec l'objectif de susciter des alliances entre structures de formation et entreprises. En France, le comité de programme était présidé par Bernard Blandin, directeur de la cellule EAO[ 2 ]Enseignement assisté par ordinateur. du Cesi. Quand le programme a disparu, les membres français du programme ont souhaité continuer leur partenariat, ce qui a donné naissance au Fffod, lancé officiellement par treize membres fondateurs le 6 décembre 1995[ 3 ]Afpa, AFT-Iftim, Ardemi, Bull Formation, Cedis, Centre Inffo, Cesi, Chaned, EDF / GDF Services de formation, Fédération de la formation professionnelle (FFP), Iota +, l'Observatoire des ressources audiovisuelles pour l'éducation permanente (Oravep), UCC-CFDT]..

QDF - Quels étaient alors les objectifs ?

J. B. - J'ai posé la question au premier conseil d'administration et j'ai été surpris de la réponse : aidez-nous à lever les freins réglementaires. Cela est toujours resté l'un des axes de travail du Fffod.

QDF - Quelles ont été, selon vous, les étapes les plus marquantes de la vie du Fffod ?

J. B. - En 2001, on ose faire nos rencontres sur le thème des e-illusions[ 4 ]La FOAD : transition, mutation, rupture ? e-illusions et réalités (Futuroscope, Poitiers, mars 2001).. Il faut se replacer dans le contexte de l'époque : face à l'argent magique de la bulle internet, on a voulu ramener les choses à la raison. Et quand la bulle a éclaté[ 5 ]Le krach boursier qui a affecté les valeurs technologiques en 2000-2001 a provoqué 145 milliards de dollars de pertes., il a fallu que l'on rame dans l'autre sens, en expliquant que ce n'était pas parce que le e-learning n'avait pas été à la hauteur de leurs illusions que cela ne présentait aucun intérêt. On voit là toute la philosophie du Fffod : nous sommes des pédagogues technophiles, et non pas des technologues. Nous sommes des pédagogues, qui considérons comme extrêmement important le fait d'avoir aujourd'hui la possibilité d'utiliser des outils numériques. Mais la technologie ne nous intéresse que parce qu'elle est capable d'enrichir la pédagogie.

QDF - Obtenue par le Fffod, la première circulaire sur l'imputabilité des formations ouvertes et à distance date du 20 juillet 2001 et il a fallu attendre la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 pour que le législateur consacre pleinement la multimodalité, pourquoi est-ce si long ?

J. B.  - Nous avons clairement obtenu la circulaire de 2001 et nous avons pesé sur toutes les réformes qui ont peu à peu ouvert la formation à la multimodalité. Nous avons aussi été décisifs sur la possibilité pour l'apprentissage de se faire en FOAD[ 6 ]Loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Notre article.. La lenteur des évolutions s'explique par beaucoup de raisons. Par rapport à d'autres pays, il y a d'abord la tradition française qui, depuis la loi de 1971, considère que la formation doit avoir lieu pendant le temps de travail. Cette particularité nous pose à chaque fois le problème de la question des rémunérations. Un autre aspect tient à la dimension longtemps mystérieuse de l'innovation numérique. Certains étaient carrément contre, considérant que cela dénaturait l'acte de formation. Il faut aussi relever que les gens qui étaient pour étaient plus des personnalités que des structures. C'est, par exemple, parce que le chargé de mission à la DGEFP, Amid Bendouba[ 7 ]Décédé en 2002, Amid Bendouba supervisait le programme Formation ouvertes et ressources éducatives (Fore) à la DGEFP. Voir son témoignage sur Canal-U., était convaincu de l'intérêt des nouvelles modalités de formation, que nous avons pu obtenir la circulaire du 20 juillet 2001 sur l'imputabilité des FOAD. Le Fffod a été la première organisation à défendre la FOAD en tant que structure. Mais beaucoup de nos premiers membres étaient plus des individus, dans chacune de leurs institutions, que les institutions elles-mêmes. Si bien que tout au long de la vie du Fffod, nous avons souvent dû faire face à des arrêts de collaboration quand les personnes quittaient leur structure.

QDF - Cette donne a changé ?

J. B. - Pas totalement mais largement. Avec l'épisode Covid, nous sommes tout de même passés d'une époque où les acteurs de la FOAD parlaient à quelques milliers de personnes à quelques millions. Et forcément, il en restera. On le voit au niveau du Fffod lui-même, qui a quasiment doublé ses effectifs.

QDF - On connaitra aujourd'hui le nom de votre successeur, avez-vous exprimé un souhait particulier concernant son profil ?

J. B. - Très certainement ! Le profil est assez difficile à trouver parce que les membres du Fffod sont assez largement des experts au sein de leur structure. Je pense qu'à la tête du Fffod, il faut quand même quelqu'un qui soit de haut niveau hiérarchique, pour pouvoir parler à tous les interlocuteurs que le Fffod se doit de rencontrer. Qu'il ait une liberté de ton. Conditions que je remplissais puisque j'étais président du Fffod, directeur général du Cesi, vice-président de la FFP[ 8 ]Fédération de la formation professionnelle, cofondée en 1991 par Jean Wemaëre et Jacques Bahry, devenue le 31 mars 2021 Les acteurs de la compétence., mais pas du tout un expert. Je le répète, le président n'a pas, dans mon esprit, à être en concurrence d'expertise avec les membres du Fffod, qui sont les vrais experts. Le président doit être dans les relations. Avec les branches professionnelles, les pouvoirs publics, les Conseils régionaux, etc. Il faut aussi que le président ait un profil tel qu'il soit acceptable aussi bien pour le secteur privé que pour le secteur public. Ce qui était mon cas, du fait du paritarisme du Cesi et de ma personnalité. Enfin, il faut également une compétence juridique, pour qu'il sache lui-même s'y retrouver et discuter des textes de loi.

Le Quotidien de la formation annoncera le(la) successeur(e) de Jacques Bahry dans son édition du 16 juin 2021.

Retrouvez notre portrait Jacques Bahry, innovateur multimodal dans le n° 926 d'Inffo Formation, 1er au 31 août 2017

Notes   [ + ]

1. Jacques Bahry est vice-président de Centre Inffo.
2. Enseignement assisté par ordinateur.
3. Afpa, AFT-Iftim, Ardemi, Bull Formation, Cedis, Centre Inffo, Cesi, Chaned, EDF / GDF Services de formation, Fédération de la formation professionnelle (FFP), Iota +, l'Observatoire des ressources audiovisuelles pour l'éducation permanente (Oravep), UCC-CFDT].
4. La FOAD : transition, mutation, rupture ? e-illusions et réalités (Futuroscope, Poitiers, mars 2001).
5. Le krach boursier qui a affecté les valeurs technologiques en 2000-2001 a provoqué 145 milliards de dollars de pertes.
6. Loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Notre article.
7. Décédé en 2002, Amid Bendouba supervisait le programme Formation ouvertes et ressources éducatives (Fore) à la DGEFP. Voir son témoignage sur Canal-U.
8. Fédération de la formation professionnelle, cofondée en 1991 par Jean Wemaëre et Jacques Bahry, devenue le 31 mars 2021 Les acteurs de la compétence.